Page:Jean Charles Houzeau - La terreur blanche au Texas et mon évasion, 1862.djvu/51

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première fois quelques Indiens. C’étaient trois hommes à pied, qui dès qu’ils nous eurent reconnus se mirent à fuir de l’autre côté d’un ravin. Feu ! feu ! cria le commandant. C’était conscience, les pauvres rouges ne songeaient qu’à se sauver à toutes jambes. Feu cependant ! feu sur les fuyards, de peur de passer pour un lâche! Je pointai aux étoiles de la Grande Ourse, qui commençaient à paraître au ciel ; et chacun apparemment fit de l’astronomie, car il n’y eut pas de sang répandu.

Après cette escarmouche du soir, il fallut passer la nuit sous les armes. « Mes chevaux, mes chevaux! » répétait Harris. Notre départ solennel, à l’aube du jour, avait un aspect belliqueux ; les Américains se croyaient invincibles. Bientôt nous fûmes tout étonnés d’apercevoir, à une portée de fusil, le camp des Indiens. Ceux-ci avaient avec eux leurs tentes, leurs femmes de guerre[1] et les chevaux volés. Le capitaine des sept hommes posait en maréchal Bugeaud, attaquant la smala d’Abd-el-Kader. Je ne sais s’il avait médité une bataille en équerre, mais ce fut une bataille de niais. La charge que nous donnâmes fut digne de Don Quichotte. Les rossinantes étaient de forces très-inégales, deux cavaliers couraient en avant, trois venaient plus loin, et trois en arrière. Les Indiens tinrent fermes; ils nous saluèrent du cri de guerre, qui ne peut s’écrire, et reçurent à coups de fusil les arrivants isolés. Il y avait autour de moi des hommes à terre, des chevaux blessés qui tournaient sur eux-mêmes. Je vidai toutefois mon revolver

  1. L’Indien a une femme spéciale pour aller à la guerre, une femme dont les goûts sont belliqueux, et qui ne craint pas l’odeur de la poudre.