Page:Jean Charles Houzeau - La terreur blanche au Texas et mon évasion, 1862.djvu/85

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notre caractère pacifique, ils ne tardèrent pas à s’éloigner. Le retentissement de quelques coups de carabine nous apprit bientôt comment ce détachement en usait avec le bétail des fermiers. Les troupes du Sud ne manquent jamais de viande fraîche ; elles abattent les jeunes bœufs à coups de fusil, jusque sous les yeux des settlers. C’est, dit-on, un sacrifice que les particuliers doivent à la patrie.

La petite arête du Rocky (en mexicain La Rochetta) fait la séparation des bassins du San Antonio et du Nuecès. Des chênes assez clair-semés couronnent ses cimes arrondies. Des formations de grès succèdent ensuite à la marne, et le pays change complètement d’aspect. C’est dans le bassin de Nueces que commence véritablement la zone de la verdure éternelle. Au chêne poteau (Quercus obtusiloba) qui n’a que des feuilles caduques, succèdent par grandes masses des chênes vifs (Quercus virens) et les caryas aux fruits oblongs (Carya oliviformis). L’herbe toutefois restait très-rare. Les bœufs commençaient à s’abattre de fatigue. Il avait fallu en abandonner plusieurs. Nous espérions trouver de l’eau dans le petit ravin du Wedee (Ouidie), mais il n’y restait que de la boue. Les troupeaux avaient abandonné d’eux-mêmes ces lieux arides, où nos attelages eurent à passer cinquante-quatre heures sans eau. Le tillandsia aussi avait cessé de garnir les arbres. A chaque étape, nous allumions de grands feux, et armés de fourches de bois, coupées dans les buissons du voisinage, nous passions à la flamme les feuilles succulentes du cactus nopal. Le feu ayant détruit les aiguilles dont ces feuilles sont garnies, les bœufs se jetaient avec avidité sur cette