Page:Jean Charles Houzeau - La terreur blanche au Texas et mon évasion, 1862.djvu/93

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pas revenir. Nous l’appelâmes par des cris répétés, qui se perdirent sans réponse dans l’espace immense. Le brouillard du matin avait formé un voile de nuages qui cachait le soleil ; il n’y avait pas de vent pour rappeler au voyageur la direction de ses pas. Il était évident que notre compagnon, après s’être éloigné des chariots, s’était égaré au milieu des massifs de végétation; passant de clairière en clairière, trompé par les détours qu’il avait faits à la recherche des bœufs, la vue toujours bornée par des rideaux de buissons, il avait adopté une direction fausse. Félix n’avait que vingt ans; il était encore inexpert dans les grands voyages de la prairie; il se trouvait sans vivres, sans moyens d’allumer du feu, et bientôt il fut effrayé de sa situation, — seul, à pied, sans ressources, dans l’espace indéfini de la prairie. De quelque côté qu’il marchât, il lui fallait des jours, des semaines peut-être, pour rencontrer, par l’effet du hasard, des passants ou des maisons. La plus proche habitation était à six lieues, mais il n’en savait plus la direction. La plaine était non-seulement immense et déserte, mais elle était absolument dépourvue d’eau. Il marchait d’un pas ferme et avec ardeur, mais jusqu’où pourrait-il conserver ses forces? Une pareille situation eût ébranlé des esprits plus fermes et plus mûrs que le sien.

En attendant nous avions allumé un grand feu de broussailles, dont la fumée montait verticalement dans l’air. Nous fîmes deux feux de peloton, à cinq minutes d’intervalle ; puis sellant les chevaux et nous distribuant les directions, nous partîmes à la recherche de notre infortuné compagnon.