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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/171

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décrets. A la nouvelle de tout ce que le Christ avait fait, le gouverneur de la Judée envoya demander à Rome s’il plaisait aux sénateurs de décréter que le Christ aussi était un Dieu. Ils n’en voulurent pas entendre parler dans leur colère et dans leur indignation de ce que, devançant leur suffrage et leur décret, la vertu du Crucifié avait, par son propre éclat, conquis toute la terre. Cette conduite du sénat de Rome était, contre l’intention même des sénateurs, un effet dé la suprême sagesse qui ne voulait pas faire proclamer la divinité du Christ comme fondée sûr dés suffrages humains ; qui ne voulait pas que l’on pût le confondre avec un de ces dieux sortis de leurs votes. Ces hommes-là mirent jusqu’à des athlètes au rang des dieux, ainsi que les infâmes qui servaient à Adrien ; on sait d’où vient le nom de la ville d’Antinoüs. Comme la mort accuse notre nature mortelle, le démon a trouvé, dans l’immortalité de l’âme, combinée avec tous les excès de la flatterie, un moyen de précipiter les peuples dans l’impiété. Voyez sa scélératesse : quand nous faisons de cette considération un usage convenable, le démon détruit l’édifice qu’élèvent nos paroles ; veut-il au contraire faire servir à notre perte l’immortalité, il affermit l’édifice avec le plus grand soin. Si l’on dit : Et d’où vient ce dieu Alexandre ? n’est-il pas mort, et misérablement ? Mais son âme est immortelle, répond-on. Vous affirmez l’immortalité maintenant, et vous faites profession de sagesse pour nous séparer du Dieu maître de toutes choses ; mais quand c’est nous qui l’appelons le plus grand don de Dieu, nous sommes des esprits bas et terre à terre, en rien supérieurs aux êtres sans raison, victimes de l’erreur, et vous nous détrompez. Si nous nous avisons de dire que le Crucifié vit encore, on nous répond par le rire, malgré le cri de l’univers qui l’attesta jadis, qui l’atteste aujourd’hui ; jadis, par les miracles ; aujourd’hui, par ceux qui se sont convertis ; un mort certes ne fait pas de si belles choses. Qu’on vous dise qu’Alexandre est vivant, vous le croyez, sans pouvoir cependant fournir aucun signe. Comment ! répondra-t-on ; mais que d’admirables choses n’a-t-il pas faites de son vivant ! que de nations, que de villes par lui soumises, quelles guerres n’a-t-il pas faites, quelles victoires, quels trophées !
5. Eh bien, que direz-vous si je vous montre en Jésus-Christ ce à quoi n’a jamais pensé ni ce fameux Alexandre, de son vivant, ni aucun autre, quel qu’il soit, des hommes qui ont jamais existé ? quelle autre preuve de la résurrection vous faudra-t-il encore ? Qu’on livre de son vivant d’heureux combats, que l’on remporte des victoires, quand on est roi, que l’on a des armées sous sa main, il n’y a là rien de merveilleux, rien d’étonnant, rien de bien nouveau ; mais qu’après avoir été crucifié, enseveli, on opère de si grandes œuvres partout, sur la terre et sur la mer, voilà ce qui est fait surtout pour frapper de stupeur, pour proclamer une divine et ineffable puissance. Alexandre, après sa mort, n’a pas recomposé son empire déchiré, détruit : comment aurait-il eu ce pouvoir, ce mort ? Le Christ, au contraire, c’est après sa mort qu’il a surtout affermi son empire. Et à quoi bon parler du Christ quand ses disciples mêmes ont reçu de lui le don de voir, après leur trépas, leur gloire plus brillante ? Où est-il, répondez-moi, le tombeau d’Alexandre ? montrez-le-moi, et dites-moi quel jour il a cessé de vivre ? Mais, pour les serviteurs mêmes du Christ, leurs tombeaux sont glorieux, ils ont pris possession de la capitale du monde. Les jours de leur mort sont illustres, ce sont des jours de fête pour l’univers. Le tombeau d’Alexandre, les siens mêmes ne sauraient où le trouver ; le tombeau du Christ, les barbares mêmes le connaissent.
Les sépultures des serviteurs du Crucifié sont plus splendides que les palais des souverains, et ce n’est pas seulement par la grandeur et la beauté des constructions, supérieures, on le sait, à tous les bâtiments impériaux ; mais, ce qui est bien plus glorieux, par l’empressement des peuples qui s’y réunissent. Celui qui porte la pourpre se rend à ces tombeaux pour les baiser ; il dépose son faste, il supplie les saints de lui servir d’appui auprès de Dieu ; c’est pour se faire d’un fabricant de tentes, d’un pêcheur, et encore sont-ils morts, des protecteurs, qu’il est là en prières, ce souverain portant diadème. Oserez-vous donc, répondez-moi, regarder comme mort le Maître de ces hommes, celui dont les serviteurs, même quand ils ont cessé de vivre, sont les protecteurs des rois de la terre ? Ces spectacles, on ne les voit pas seulement dans Rome, on les voit aussi à Constantinople. Car le fils de Constantin-le-Grand n’a pas cru pouvoir faire un plus grand honneur à son père que de le déposer sous les portiques du pêcheur ;