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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/170

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c’est quand il essuyait des naufrages, quand il était transporté sur une terre barbare, c’est alors surtout que sa gloire éclatait. Quand il entrait, chargé de fers, au tribunal, c’est alors qu’il triomphait du jugé même. L’Ancien Testament nous montre des faits du même genre ; les épreuves montraient dans sa fleur la vertu des justes ; ainsi les trois jeunes hommes, ainsi Daniel, et Moïse, et Joseph, ainsi tous ont vu briller leur gloire, ont mérité d’insignes couronnes. Ce qui purifie Pâme, c’est l’affliction qui lui vient de Dieu ; c’est alors qu’elle en reçoit plus d’assistance ; comme elle a besoin de plus de secours, elle obtient plus de grâces. Même avant de jouir de la récompense que Dieu lui tient en réserve, elle recueille déjà de grands biens pour fruit de sa sagesse. Car l’affliction déracine l’orgueil, fait disparaître la lâcheté de l’indolence, elle répand sur vous l’huile de la patience ; elle met à découvert la bassesse, des choses humaines, c’est une grande leçon de sagesse, Toutes les passions lui cèdent, la jalousie, l’envie, les désirs déréglés, le faste de la puissance, la cupidité, la luxure, la vanité, l’orgueil, la colère, toute la cohorte des maladies dé ce genre. Voulez-vous considérer, dans la réalité de la vie, les hommes en particulier, les peuples dans leur ensemble, je pourrai vous les montrer dans l’affliction, vous les montrer au sein du repos, et vous faire comprendre tout le profit de l’une, toute la lâcheté qui provient de l’autre.
4. Quand les Hébreux étaient dans le malheur, quand on les poursuivait, ils gémissaient alors, ils invoquaient Dieu, ils obtenaient d’en haut un puissant, secours ; au contraire, quand ils s’engraissaient de leur prospérité, ils regimbaient. Les Ninivites, de leur côté, ne profitèrent de leur félicité que, pour irriter Dieu, qui dut menacer de détruire leur ville jusque dans ses fondements ; une fois humiliés par la prédication de Jonas, ils montrèrent une parfaite sagesse. Voulez-vous considérer un homme en particulier, voyez Salomon. Quand il était dans les inquiétudes et dans le trouble que lui inspirait le gouvernement de son peuple, il mérita d’avoir une sublime vision ; mais, dès qu’il se fut livré aux délices, il plongea jusqu’au fond dans l’abîme de la corruption. Et son père ? Quand mérita-t-il l’admiration et la gloire ? N’est-ce pas quand il fut dans l’adversité ? Absalon, maintenant, ne pratiqua-t-il pas la sagesse, tant qu’il mena la vie d’un fugitif ; mais, à son retour, ne se montra-t-il pas un tyran et un parricide ? Et Job ? Sa vertu brilla au sein de la tranquillité, mais elle partit plus brillante encore après son affliction.
Mais à quoi bon ces vieilles histoires des temps anciens ? Il suffit de considérer ce qui se passe aujourd’hui chez nous, pour comprendre tout le profit de l’affliction. Aujourd’hui, nous jouissons de la paix, et nous sommes tombés, nous languissons, nous avons rempli l’Église de mille maux ; quand nous étions tourmentés, nous avions plus de sagesse, plus de dignité, plus de zèle, plus d’ardeur, pour rechercher les pieuses réunions, pour entendre la parole. Ce que le feu est pour l’or, l’affliction l’est pour l’âme ; elle en fait disparaître les souillures, elle lui rend sa pureté, elle rehausse l’éclat de sa gloire. L’affliction mène au royaume du ciel ; la prospérité tranquille, à la géhenne. C’est ce qui fait que l’une est la voie étroite ; l’autre, la voie large. De là, ce que disait le Christ lui-même : « Dans le monde, vous aurez l’affliction » (Jn. 16,33), nous annonçant par là un grand bien. C’est pourquoi, si vous êtes un disciple, cheminez par la voie étroite de l’affliction ; ne vous attristez pas, ne vous laissez point abattre. Si vous ne consentez pas à cette affliction, il vous en faudra subir une autre dont vous ne retirerez aucun profit. L’envie, l’amour des richesses, le feu de la fornication, la vaine gloire, toutes les autres passions perverses, tourmentent et affligent l’âme ; non moins que la douleur et les larmes. Si vous ne voyez ni les larmes ni les chagrins du méchant, c’est la honte qui le retient, ou l’engourdissement de son mal ; pénétrez dans son âme, vous y verrez régner la tempête. Donc, puisque quelle que soit la voie que l’on suive, l’affliction est inévitable, pourquoi ne pas, embrasser de préférence le genre de vie où l’affliction mérite d’innombrables couronnes ? Aussi, c’est par la voie étroite des afflictions que Dieu a conduit ses saints. Il procurait ainsi leur bien, et en même temps celui des autres, de peur qu’ils ne conçussent d’eux une idée trop haute.
Ce quia fait dans les premiers temps prévaloir l’idolâtrie, c’est qu’on a exagéré l’admiration que méritaient les hommes ; c’est ainsi qu’Alexandre a été considéré comme un treizième Dieu par le sénat romain. Car ce sénat avait le pouvoir de créer des dieux par ses