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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/251

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effet, que dit l’Écriture ? Abraham crut à Dieu, et cela lui fut imputé à justice. Or, à celui qui travaille, le salaire n’est point imputé comme une grâce, mais comme une dette (3, 4) ». Mais c’est quelque chose de plus grand, direz-vous. Nullement : car l’imputation est faite au croyant, ce qui n’aurait pas lieu, s’il y mettait quelque chose du sien.
2. Ainsi celui-ci aussi a Dieu pour débiteur, et débiteur non de choses vulgaires, mais de choses grandes et sublimes. En effet, après avoir montré la hauteur de cette intelligence, cette pensée toute spirituelle, Paul ne dit pas simplement : « A celui qui croit, mais à celui « qui croit en celui qui justifie le pécheur (5) ». A celui-là, la foi est imputée à justice. Songez en effet quelle grande chose c’est de croire, d’être pleinement convaincu que Dieu peut immédiatement, non seulement dispenser du châtiment celui qui a vécu dans l’impiété, mais encore le rendre juste et digne des honneurs immortels. Ne vous imaginez donc pas que celui-ci soit inférieur à l’autre, puisqu’à cet autre l’imputation ne se fait pas selon la grâce. Car c’est précisément là ce qui fait surtout la gloire du croyant, de recevoir une telle grâce, de montrer une si grande foi. Et voyez combien la récompense est plus grande ! À celui-là on donne un salaire, à celui-ci, la justice ; or, la justice est bien au-dessus d’un salaire, car elle renferme une multitude de salaires.
Après avoir démontré cela par Abraham, Paul produit ensuite le témoignage de David à l’appui de ce qu’il vient de dire. Que dit donc David, et qui appelle-t-il heureux ? Celui qui se glorifie de ses œuvres, ou celui qui a reçu la grâce et obtenu la rémission et le don ? Or, en nommant le bonheur, j’exprime le comble de tous les biens. De même que la justice est plus que le salaire, ainsi la béatitude est plus que la justice. Après avoir montré l’excellence de la justice, non seulement parce qu’Abraham l’a reçue, niais à l’aide du raisonnement : « Il a », a-t-il dit, « de quoi se glorifier, mais « non devant Dieu) » ; Paul emploie un autre genre de preuve pour la relever encore, et produit le témoignage de David, lequel déclare heureux celui, qui a été ainsi justifié : « Bienheureux ceux dont les iniquités ont été remises ». (Ps.- 31) Cependant il semble apporter là, un témoignage peu convenable ; car le prophète ne dit pas : Heureux ceux dont la foi est imputée à justice, mais il fait cela à bon escient, et non par ignorance, pour augmenter encore la force de l’argument. En effet, si celui dont les iniquités ont été remises par la grâce est heureux, à bien plus forte raison celui qui est justifié et qui a prouvé sa foi. Or là où il y a béatitude, tout opprobre disparaît et la gloire est grande ; car la béatitude est le surcroît de la récompense et de la gloire. C’est pourquoi Paul ne recourt point à l’Écriture pour établir l’avantage du premier, il se contente de dire. « A celui qui travaille, le salaire n’est point imputé comme une grâce » ; mais pour prouver la prééminence du croyant, il emploie la parole écrite, comme l’a dit David : « Bienheureux ceux dont les iniquités sont « remises et dont les péchés sont couverts (7) ». Mais pourquoi, dira-t-on, affirmez-vous que la rémission ne s’accorde pas comme une dette, mais par grâce ? Eh ! c’est précisément pour cela que le croyant est déclaré heureux. Paul ne l’eût pas béatifié, s’il ne l’avait vu en possession d’une grande gloire. Il ne dit pas la rémission est pour la circoncision, mais que dit-il ? « Or cette béatitude », (ce qui est bien plus) « est-elle pour la circoncision ou pour l’incirconcision (9) ? » Il s’agit désormais de savoir à qui ce grand don appartient, si c’est aux circoncis ou aux incirconcis. Et voyez la force de l’argument ! Paul fait voir que non seulement ce don n’a point d’aversion pour l’in circoncision ; mais comme David qui proclame cette béatitude était circoncis et parlait à des circoncis, voyez comme Paul s’empresse d’appliquer ses paroles aux incirconcis ? Car après avoir rattaché cette béatitude à la justice et montré que les deux ne font qu’un, il demande comment Abraham a été justifié ; si la béatitude appartient au juste et qu’Abraham ait été justifié, voyons comment il l’a été, si c’est – comme incirconcis ou comme circoncis. C’est, nous dit-il, comme incirconcis. « Comment donc lui a-t-elle été imputée ? Est-ce dans la circoncision ou dans l’incirconcision ? Ce n’est point dans la circoncision, mais dans l’incirconcision. Car nous disons que la foi a été imputée à justice à Abraham (10) ».
Plus haut il parlait d’après l’Écriture, (il nous disait en effet : « Que dit l’Écriture ? Abraham crut à Dieu, et cela lui fut imputé à justice) » ; ici il invoque le jugement de ceux qui parlent, et montre que la justification