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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/279

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plus s’éteindre : Pour que cela n’arrive pas, détruisons la source du mal, éteignons la fournaise, et extirpons entièrement la racine de l’iniquité. Si vous coupez un mauvais arbre par le sommet, vous n’avez rien gagné, puisque la racine reste en terre, et qu’elle peut repousser des rejets. Quelle est donc la racine des maux ? Apprenez-le du bon agriculteur, de celui qui est si expert dans ces matières, qui cultive la vigne spirituelle, qui est le laboureur du monde entier. Quelle est donc, selon lui, la racine de tous les maux ? L’ambition des richesses. « La racine de tous les maux », nous dit-il, « est la cupidité ». (1Tim. 6,10) De là les combats, les inimitiés et les guerres ; de là les contestations, les injures, les soupçons, les outrages ; de là les meurtres, les larcins, les vols sacrilèges ; par là, non seulement les villes et les contrées, mais, les routes, les lieux habités ou inhabités, les montagnes, les vallées, les collines, en nu mot toute la terre regorge de sang et de carnage. La mer même n’échappe point à ce fléau ; sur elle aussi, il exerce en plein sa fureur, les pirates l’assiégeant, pour ainsi dire, de toutes parts et s’étudiant à trouver toujours de nouveaux modes de brigandage. Par elle, les lois, de la nature sont renversées, les relations de parenté ébranlées, les droits de ta chair même violés.
6. En effet ce n’est pas seulement contre les vivants, mais aussi contre les morts, que cette passion tyrannique arme des mains criminelles ; la mort elle-même n’est point respectée on brisé les tombeaux ; d’odieux scélérats s’en prennent aux cadavres, et le sépulcre n’est point un abri contre leurs embûches. Tous les maux que vous rencontrerez dans les maisons, sur les places publiques, dans les tribunaux, dans les, assemblées délibérantes, dans les palais, en quelque lieu que ce soit, vous vous apercevrez qu’ils ont pris là leur origine. C’est ce vine, c’est lui, qui a tout rempli de sang et de meurtres, c’est lui qui a allumé les flammes de l’enfer, c’est lui qui a rendu la situation des villes aussi triste, pire peut-être que celle des déserts. Ilest en effet plus facile de se garantir des voleurs de grands chemins, parce qu’ils n’attaquent pas toujours mais leurs imitateurs du milieu des villes sont d’autant plus à craindre qu’il est plus difficile de se tenir en garde contre eux et qu’ils osent faire ouvertement ce que les autres ne font qu’en secret. Se faisant un point d’appui des lois mêmes qui sont portées contre eux, ils ont rempli les villes de meurtres et de crimes. N’est-ce pas un meurtre, dites-moi, et quelque chose de pire qu’un meurtre, de livrer un pauvre aux horreurs de la faire, de le jeter en prison, et de lui infliger, outre la faim, mille tortures et mille mauvais traitements ? Et bien que vous ne fassiez pas cela vous-même, dès que vous êtes cause que cela se fait, vous en êtes plutôt l’auteur que ceux qui vous servent d’instruments. En effet l’homicide enfonce le glaive, il est vrai, mais ne cause qu’une douleur passagère et ne pousse pas plus loin sa cruauté ; et vous, en changeant pour vos victimes la lumière en ténèbres par vos calomnies, par vos injures, par vos embûches, en les mettant dans le cas de se souhaiter mille fois la mort, songez combien de morts vous leur faites souffrir au lieu d’une !
Et ce qu’il y a de plus grave en tout cela c’est que vous volez, vous dépouillez, sans y être poussé par la pauvreté, ni forcé par la faim, mais pour couvrir d’or le frein de votre cheval, le toit de votre maison, les chapiteaux de vos colonnes. – Plonger dans un abîme de malheur un frère, un homme qui participe avec nous aux saints mystères, et est honoré jusqu’à ce point par votre Maître, et cela pour orner des pierres, un pavé, le corps d’animaux stupides qui ne sentent pas même l’honneur qu’on leur fait : quel enfer ne mérite pas un tel crime ? On entoure un chien de soins et d’égards ; et pour ce chien, ou pour ce que nous venons de dire, on réduit un homme, que dis-je ? le Christ lui-même, aux extrémités de la faim ! Qu’y a-t-il de pire qu’un tel renversement ? Qu’y a-t-il de plus affreux qu’une telle iniquité ? Quels torrents de feu suffiront à punir une telle âme ? Un homme fait à l’image de Dieu, est devenu méconnaissable par votre inhumanité ; mais la tête des mules qui portent votre femme est chargée d’or, aussi bien que les cuirs et les bois qui forment la charpente de votre toit ; s’il s’agit d’orner un siège, un escabeau, on y emploie l’or et l’argent ; mais le membre du Christ, celui pour qui il est descendu du ciel et a versé son précieux sang, est privé de la nourriture nécessaire par le fait de votre ambition. Vos lits resplendissent partout de l’éclat de l’argent, et les corps des saints n’ont pas les vêtements nécessaires ; le Christ est pour vous le plus méprisable des êtres, au-dessous de vos serviteurs, de vos mulets,