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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/312

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créature, faite uniquement pour vous, espère, à bien plus forte raison devez-vous espérer, vous par qui elle doit jouir de ces biens. Ainsi, chez les hommes, quand un fils doit paraître revêtu de quelque dignité, le père donne à ses serviteurs des vêtements plus dignes, en l’honneur même de son fils : comme Dieu revêtira la nature d’incorruptibilité pour la faire passer à la liberté de la gloire de ses enfants. « Car nous savons que toutes les créatures gémissent et sont dans le travail de l’enfantement, jusqu’à cette heure (22) ».
6. Voyez-vous comme il fait rougir l’auditeur ? Par là il semble lui dire : Ne soyez pas au-dessous de la nature, ne vous attachez pas aux choses présentes, non seulement il ne faut pas s’y attacher, mais il faut gémir de ce que le départ est retardé. Car si la nature le fait, à bien plus forte raison devez-vous le faire, vous qui êtes doué de raison. Mais ce n’était point là un motif suffisant pour faire rougir : c’est pourquoi il ajoute : « Et non seulement elles, mais aussi nous-mêmes qui avons les prémices de l’Esprit ; oui, nous-mêmes nous gémissons au dedans de nous (23) » ; c’est-à-dire, nous qui avons déjà goûté les biens à venir. Un homme fût-il dur comme la pierre, les dons qu’il a reçus sont bien propres à exciter son ardeur, à le détacher du présent, à le faire voler au-devant des biens à venir, et cela pour deux motifs : et parce qu’il a déjà reçu de si grands bienfaits, et parce que les prémices sont si nombreuses et si considérables. Si en effet ces prémices sont déjà telles que, par elles, on soit délivré du péché, en possession de la justice et de la sanctification, que ceux de ce temps-là aient pu chasser les démons, ressusciter les morts par leur ombre et leurs vêtements ; songez à ce que sera le don dans son entier. Et si la nature, quoique privée d’intelligence et de raison, quoique ne sachant rien de tout cela, gémit cependant ; à bien plus forte raison nous-mêmes devons-nous gémir. Ensuite pour ne point donner prise aux hérétiques et n’avoir pas l’air de calomnier le présent, il dit : « Nous gémissons », non parce que nous accusons le présent, mais parce que nous soupirons pour de plus grands biens ; car c’est ce que signifient ces mots : « Attendant l’adoption ».
Que dites-vous donc, Paul, je vous prie ? vous ne cessez de redire et de crier que déjà nous sommes devenus fils de Dieu, et maintenant vous ne nous offrez plus cet avantage qu’en espérance, et vous écrivez qu’il faut l’attendre ? Pour corriger donc son expression, il ajoute : « La rédemption de notre corps », c’est-à-dire, la gloire complète. Maintenant nous sommes encore dans l’obscurité, en attendant notre dernier soupir : car beaucoup, qui étaient des enfants, sont devenus des chiens et des captifs. Si nous mourons dans cette douce espérance, alors le don sera immuable, plus évident, plus grand, et n’aura plus à craindre de changement de la part de la mort et du péché. Alors le bienfait sera solide, quand notre corps sera délivré de la mort et de ses mille souffrances. Car ce sera la rédemption, et non un simple affranchissement ; en sorte que nous ne pourrons plus retourner à notre ancien esclavage. Et pour que vous ne doutiez pas, quand vous entendez tant parler de gloire sans bien comprendre, il vous découvre l’avenir en partie, en transformant votre corps et avec lui toute la nature : ce qu’il exprime ailleurs plus clairement, en disant : « Qui réformera le corps de notre humilité en le conformant à son corps glorieux ». (Phil. 3,21) En un autre endroit il écrit encore : « Et quand ce corps mortel aura revêtu l’immortalité, alors sera accomplie cette parole qui est écrite : La mort a été absorbée dans sa victoire ». (1Cor. 15,54) Et pour montrer que l’état des choses présentes disparaîtra avec la corruption du corps, il écrit encore ailleurs : « Car la figure de ce monde passe ». (1Cor. 7,31)
« Car », dit-il, « c’est en espérance que nous avons été sauvés (24) ». Comme il a beaucoup insisté sur la promesse des biens à venir, et qu’il semblait avoir attristé l’auditeur, encore trop faible, en lui montrant les biens seulement en espérance ; après avoir prouvé qu’ils sont bien plus évidents que les biens présents et visibles ; après avoir disserté sur les dons déjà reçus et montré que nous avons aussi reçu les prémices des autres : de peur que nous ne cherchions qu’ici-bas, que nous ne soyons infidèles à la noblesse provenant de la foi, il dit : « Car c’est en espérance que nous sommes sauvés ». Il ne faut pas tout chercher ici-bas, mais aussi espérer. C’est, là le seul don que nous ayons fait à Dieu : la foi à l’avenir qu’il nous promet, et nous n’avons été sauvés que par cette voie-là : si nous perdons cette voie, nous perdons aussi