Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/544

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chante au hasard, on ne profère que des mots, tandis que le cœur s’égare ailleurs : « Rendant grâces toujours et pour toutes choses, au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à Dieu et Père, soumis les uns aux autres dans la crainte du Christ ». En d’autres termes : Faites parvenir à Dieu vos demandes avec des actions de grâces : car rien ne contente Dieu comme la reconnaissance. Or, nous ne pouvons mieux lui témoigner notre reconnaissance, qu’en arrachant notre âme aux vices dont il a été question plus haut, en la purifiant par les moyens indiqués. « Mais soyez remplis de l’Esprit-Saint ». Cela dépend-il de nous ? Oui, quand nous avons chassé de notre âme le mensonge, l’amertume, la fornication, l’impureté, l’avarice, quand nous sommes devenus bons, miséricordieux, cléments les uns pour les autres, quand nous évitons les plaisanteries indécentes, quand enfin nous nous sommes rendus dignes de recevoir le Saint-Esprit, qu’est-ce qui l’empêche encore d’accourir, de voler vers nous ? non seulement il accourra, mais encore il remplira notre cœur. Or, avec le secours intérieur d’une pareille lumière, la vérité ne nous sera plus pénible, elle nous deviendra aisée et facile.

« Rendant grâces toujours et pour toutes choses ». Quoi donc ! faut-il rendre grâces pour tout ce qui nous arrive ? Oui : fût-ce la maladie, fût-ce la misère. En effet, si dans l’Ancien Testament nous trouvons ce conseil d’un sage : « Tout ce qui vous arrivera, recevez-le de bonne grâce, et soyez patients dans les vicissitudes de votre humiliation » (Sir. 2,14), à plus forte raison faut-il se conduire ainsi sous le régime de la nouvelle loi. Quand bien même la raison des faits vous échappe, rendez grâces : voilà les vraies actions de grâces. Que vous rendiez grâces après un bienfait, dans la félicité, dans le bonheur, au milieu des prospérités, il n’y a rien là de grand ni de merveilleux : ce qu’on vous demande, c’est de rendre grâces dans les épreuves, dans les tribulations. Votre première parole doit être : Je vous rends grâces, Seigneur. Et pourquoi parler des afflictions d’ici-bas ? Il faut remercier Dieu de l’enfer, des supplices, des châtiments de l’autre vie. Car c’est un bien pour nous tous que préoccupe cette pensée : La crainte est comme un frein mis à nos cœurs. Ce n’est donc pas seulement pour les bienfaits évidents, c’est encore pour ceux qui ne sont pas apparents et que nous recevons malgré nous, que nous devons rendre grâces en effet, Dieu nous oblige souvent malgré nous et à notre insu. Si vous en doutez, je vais vous rendre la chose claire. Veuillez réfléchir à ceci : Est-ce que les abominables et incrédules païens n’attribuent pas tout au soleil et à ses idoles ? Eh bien ! est-ce que Dieu n’est pas aussi leur bienfaiteur, à eux ? N’est-ce pas à leur providence qu’ils doivent la vie, la santé, leurs enfants, que sais-je encore ? Et ceux qu’on appelle Marcionites ? Et les Manichéens ? Ne le blasphèment-ils pas également ? Et pourtant, Dieu ne les comble-t-il pas de biens chaque jour ? Mais s’il fait du bien à ces hommes qui ne le connaissent pas, à plus forte raison nous en fait-il, à nous. Car à quoi s’occupe la divinité, sinon à faire du bien à l’espèce humaine, et par châtiments et par indulgences ?

Ce n’est donc pas seulement dans les prospérités que nous devons rendre grâces : le devoir serait trop facile à remplir. Le diable la sait : voilà pourquoi il disait : « Est-ce gratuitement que Job craint Dieu ? n’avez-vous pas abrité d’un rempart ce qui est en lui et ce qui est hors de lui ? Mais enlevez-lui tous ses biens, et vous verrez s’il vous bénira en face ». (Job. 1,9-10) Mais le scélérat n’y gagna rien. Dieu soit loué, et puisse-t-il en être de même quand il s’agira de nous ! C’est dans la pauvreté, dans la maladie, dans la persécution, que nos actions de grâces doivent être le plus vives. Je ne parle point d’actions de grâces en paroles, et proférées du bout des lèvres, mais d’actions de grâces réelles, effectives, sorties du fond du cœur. C’est du fond de l’âme que nous devons remercier ; car Dieu nous aime d’un amour plus que paternel : et autant il y a de distance entre la méchanceté et la bonté, autant il en existe entre l’amour de Dieu pour nous et celui que nous portent nos parents.

3. Et ce n’est pas moi qui parle ainsi, c’est celui même qui nous aime, le Christ. Écoutez plutôt : « Quel est d’entre vous l’homme qui, si son fils lui demande du pain, lui présentera une pierre ? Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus votre Père qui est dans les cieux donnera-t-il de bonnes choses à ceux qui les lui demandent ? » (Mat. 7,9-11)