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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/543

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tout ce qu’on vous demandera, gardez seulement le principal, à savoir la foi. « Parce que les jours sont mauvais ».

Qu’est-ce que des jours mauvais ? Il s’agit ici d’une manière d’être particulière du jour. Demandez-vous ce qui est mauvais dans chacune des choses qui nous touchent, et vous saurez ce que c’est que des jours mauvais. Qu’est-ce que le mal du corps ? la maladie. Le mal de l’âme ? la malignité. Le mal de l’eau ? l’amertume. Le mal pour chaque chose, est une imperfection qui affecte sa nature. Si donc il y a des jours mauvais, le mal doit être dans le jour lui-même, dans les heures, dans la lumière. C’est ainsi que le Christ a dit : « À chaque jour suffit son mal ». (Mat. 6,34) Ce texte nous aidera à comprendre l’autre. Qu’est-ce que ces mauvais jours dont Paul nous parle ? que ce temps mauvais ? Il n’a pas en vue ces œuvres de Dieu prises dans leur essence, mais les événements qui s’y passent nous disons de même : J’ai passé une pénible, une mauvaise journée : mais comment a-t-elle pu être pénible, sinon par les événements qui l’ont signalée ? Ces événements sont en partie heureux, comme venant de Dieu ; en partie mauvais, comme venant de la perversité humaine. Les hommes sont donc les auteurs de ce qui arrive de mauvais dans le temps, et de là certaines époques sont appelées mauvaises expression qui est aussi en usage parmi nous. « Ne soyez donc pas imprudents, mais comprenez quelle est la volonté de Dieu, et ne vous enivrez pas de vin, qui renferme la licence (18) ».

En effet, l’excès de vin nous rend irritables, effrontés, prompts à faillir et à nous emporter. C’est pour la joie que le vin nous a été donné, et non pour l’ivresse : mais aujourd’hui on paraît une femme, on est ridicule, quand on ne s’enivre pas. Quel espoir de salut reste-t-il désormais ? C’est un ridicule, dites-moi, de ne pas s’enivrer ? mais n’est-ce pas l’ivresse, au contraire, qui devrait être le plus grand des ridicules ? Tout le monde, sans doute, doit la fuir : personne autant que le soldat qui vit au milieu des glaives et des massacres ; personne autant que le soldat qui est en butte à bien d’autres excitations, celles de la liberté, du pouvoir, des dangers et des combats au milieu desquels sa vie se passe. Voulez-vous apprendre dans quelles circonstances le vin est une bonne chose ? Écoutez ce que dit l’Écriture : « Donnez le vin à ceux qui sont dans la peine, et l’ivresse à ceux qui sont dans la douleur ». (Pro. 31,6) Rien de mieux : car le vin sait adoucir les afflictions et dissiper les nuages de la tristesse. « Le vin réjouit le cœur de l’homme ». (Psa. 103,15) Comment donc le vin produit-il l’ivresse ? car la même cause ne peut produire des effets contraires. La cause de l’ivresse n’est pas le vin, mais l’abus du vin. Le vin ne nous a pas été donné pour une autre fin que la santé du corps : or l’abus y est un obstacle. Écoutez encore ce que le même saint écrit à Timothée : « Use d’un peu de vin à cause de ton estomac et de tes fréquentes infirmités ». (1Ti. 5,23)

2. Si Dieu a établi dans nos corps un juste équilibre, et les a mis en état de se contenter de peu, c’est pour nous enseigner dès ce monde qu’il nous a faits aptes à une autre vie. Cette vie, il voulait nous l’octroyer tout d’abord mais, comme nous nous en sommes rendus indignes, il a remis ce présent à une autre époque d’ici là, il ne nous permet pas l’abus : une mesure de vin et un pain suffisent à l’appétit d’un homme… Il a voulu que le dominateur des animaux eût des besoins, à proportion, moins nombreux, et un corps plus faible, afin de nous faire voir que nous sommes en marche vers une autre vie. « Ne vous enivrez pas de vin, qui renferme la licence ». L’ivresse, loin de conserver, détruit, non seulement le corps, mais l’âme. « Mais soyez remplis de l’Esprit-Saint ; vous entretenant entre vous de psaumes, d’hymnes et de cantiques spirituels, chantant et psalmodiant du fond de vos cœurs à la gloire du Seigneur ; rendant grâces toujours et pour toutes choses, au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à Dieu et Père ; soumis les uns aux autres dans la crainte du Christ (19-21) ». Voulez-vous vous réjouir, nous dit-il ? Voulez-vous passer la journée ? Je vous donne une boisson spirituelle : car l’ivresse nous ôte jusqu’aux inflexions distinctes de la voix, elle nous fait bégayer, elle trouble nos yeux et tout le reste. Apprenez à louer Dieu, et vous verrez combien cette occupation a de charmes ceux qui le louent sont remplis de l’Esprit-Saint, comme sont remplis de l’esprit impur, ceux qui chantent des chansons sataniques. Qu’est-ce à dire : « Du fond de vos cœurs à la « gloire du Seigneur ? » C’est-à-dire, avec attention. Car, si l’attention fait défaut, on