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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/550

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maintenant, hommes, ce qu’il exige de vous ; il recourt encore au même exemple : « Maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l’Église ». Vous avez vu jusqu’où doit aller l’obéissance : écoutez maintenant jusqu’où doit aller la tendresse. Tu veux que ta femme t’obéisse, comme l’Église au Christ ? Veille donc sur elle comme le Christ sur l’Église : Fallût-il donner ta vie pour elle, être déchiré mille fois, tout souffrir, tout endurer, ne recule devant rien : quand tu aurais fait tout cela, tu n’aurais encore rien fait de comparable à ce qu’a fait le Christ… Car avant de te dévouer pour ta femme, tu es uni à elle : tandis que le Christ s’est immolé pour ceux qui le haïssaient et l’avaient en aversion. Fais donc pour ta femme ce qu’il a fait pour ce peuple qui le haïssait, l’abhorrait, le méprisait, l’insultait ; sans menaces, sans injures, sans terreur, par l’unique instrument de son infinie sollicitude, il a amené son Église à ses pieds. De même, quand bien même ta femme ne te témoignerait que dédain, mépris, insolence, il ne tient qu’à toi de la ramener à tes pieds à force de bonté, d’amour, de tendresse. Car il n’y a pas d’attache plus forte, principalement entre homme et femme. Par la crainte on peut lier les mains à un serviteur, et encore ne tardera-t-il pas à s’échapper : mais la compagne de ta vie, la mère de tes enfants, la source de tout ton bonheur, ce n’est point par la crainte, par les menaces qu’il faut l’enchaîner, mais par l’amour et l’affection. Qu’est-ce qu’un ménage où la femme tremble devant le mari ? Quelle joie y a-t-il pour l’époux, quand il vit avec son épouse comme avec une esclave, et non comme avec une femme libre ? Quand bien même vous auriez souffert quelque chose pour elle, ne le lui reprochez pas : suivez en cela même l’exemple du Christ…

« Il s’est livré lui-même pour elle, afin de la sanctifier en la purifiant (26) ». Elle était donc impure, laide, vile, repoussante. Quelque femme que vous épousiez, elle ne ressemblera jamais à ce qu’était l’Église quand le Christ l’épousa ; il n’y aura jamais entre vous la distance qui séparait le Christ de l’Église : néanmoins le Christ ne prit point en horreur, en aversion cette effrayante laideur. Voulez-vous savoir jusqu’où allait cette difformité ? Écoutez Paul qui vous dit : « Vous étiez autrefois ténèbres ». (Eph. 5,8) Vous voyez si elle était noire : quoi de plus noir que les ténèbres ? Voyez maintenant son impudence : « Vivant dans la méchanceté et l’envie ». (Tit. 3,3) Et encore son impureté : « Indociles, insensés ». Que dis-je ? Elle était folle, elle blasphémait : néanmoins le Christ s’est livré pour cette épouse difforme comme si elle avait été la plus belle, la plus chérie, la plus admirable des femmes. C’est ce qui faisait dire à Paul étonné : « Certes, à peine quelqu’un mourrait-il pour un juste ». (Rom. 5,7) Et encore : « Si, lorsque nous étions encore pécheurs, le Christ est mort pour nous ». (Id. 8, 9) Le mariage accompli, il la pare, il la lave, il ne répugne pas à de pareils soins. « Afin de la sanctifier, en la purifiant par le baptême d’eau, par la parole ; pour la faire paraître devant lui une église glorieuse, n’ayant ni tache, ni ride, ni rien de semblable, mais pour qu’elle soit sainte et immaculée (27) ». Par le baptême, il lave son impureté. « Par la parole », ajoute-t-il : quelle parole ? Au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit. Et il ne se borne pas à la parer, il la rend glorieuse : « N’ayant ni tache, ni ride, ni rien de semblable ». Recherchons donc, nous aussi, cette beauté, et nous pourrons en devenir les créateurs. Ne demandez pas à votre femme ce qui n’est point son fait. Ne voyez-vous pas que l’Église doit tout au Seigneur : c’est par lui qu’elle est devenue glorieuse, par lui qu’elle a été faite immaculée. Que la laideur de votre femme ne soit pas pour vous un motif d’aversion. Écoutez plutôt l’Écriture : « Petite est l’abeille parmi les êtres ailés, et son miel surpasse toutes les douceurs ». (Sir. 11,3) Votre femme est un ouvrage de Dieu ; lui manquer, c’est manquer à son auteur : l’injure n’est pas pour elle.

Ne la louez pas de sa beauté : louer, haïr, aimer pour ce motif, tout cela part d’une âme déréglée. Recherchez la beauté de l’âme imitez l’époux de l’Église. La beauté physique est une source intarissable d’orgueil et de vanité : elle provoque la jalousie, les soupçons outrageants. Mais elle a des attraits ? Oui, pour un mois ou deux, pour un an tout au plus : après quoi c’est fini, et l’admiration s’émousse par l’habitude, tandis que les maux engendrés par la beauté subsistent, je veux dire, l’orgueil, la vanité, la hauteur. Mais il n’en est pas de même pour les attraits d’un autre genre : l’amour légitime qu’ils inspirent