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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/88

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coupables de tant d’offenses ; ce sont les hommes qui devraient le prier. Néanmoins c’est lui qui les prie. Pour nous, quand nous vous prions, nous ne pouvons mettre en avant aucun droit, aucun bienfait : c’est au nom du Dieu qui vous a comblés de grâces que nous vous prions. Nous vous conjurons donc de recevoir le bienfait qui vous est offert ; de ne pas refuser ce présent de la part de Dieu. Obéissez-nous donc et prenez garde de ne pas recevoir en vain la grâce de Dieu..
En effet, l’apôtre ne veut pas qu’ils s’imaginent que la foi leur suffit pour être réconciliés ; il leur demande avec la foi le zèle dans leur conduite. Si après s’être vu délivré de ses péchés, après être devenu l’ami de Dieu, on le plonge, de nouveau dans ses anciens désordres, on redevient ennemi de Dieu, et la grâce de Dieu ne sert de rien désormais pour la vie éternelle. A quoi peut en effet servir la grâce du baptême, si nous vivons dans l’impureté ? Au contraire, elle nous devient funeste, elle aggrave nos fautes, puisque nous retournons à nos péchés après avoir connu Jésus-Christ et après avoir joui de ses dons. Mais cette pensée, il ne l’exprime pas tout de suite, pour ne pas tenir un langage par trop rebutant ; il se borne à dire qu’il ne nous en revient aucun avantage. Il rappelle ensuite les paroles du prophète, pour les exciter davantage à mettre la main à l’œuvre de leur salut. Car le prophète a dit : « Je vous ai exaucés en temps favorable, et je vous suis venu en aide au jour du salut. « Voici maintenant un temps favorable, voici maintenant des jours de salut ». Un temps favorable, quel est-il donc ? Le temps du bienfait et de la grâce, temps où l’on ne demande pas compte des fautes commises, où l’on ne subit point de châtiment, mais où après avoir été réconcilié avec Dieu, on jouit de biens sans nombre, la justice, la sainteté, et tant d’autres faveurs. Quels travaux ne s’imposerait-on point pour trouver une occasion aussi précieuse ? Et voici que, sans effort de notre part, elle s’offre à nous et nous apporte la rémission de toutes nos fautes passées. C’est pourquoi l’apôtre appelle ce temps un temps favorable ; car il accueille les plus criminels, et non seulement il les accueille ; mais il les élève au sommet des honneurs. C’est ainsi que l’arrivée de l’empereur annonce non pas un jugement, mais des bienfaits et le salut ; voilà le temps que l’apôtre appelle un temps favorable : c’est le temps où nous sommes dans la carrière, où nous cultivons la vigne, c’est en un mot la onzième heure, comme dit l’Évangile.
2. Courage, menons une vie toujours pure, cela ne nous est point difficile. Combattre, alors que Dieu répand de tels dons et de telles grâces, c’est être sûr de remporter aisément la victoire. Quand on célèbre les fêtes des empereurs, quand ils sont revêtus des ornements consulaires ; ne suffit-il pas d’une faible démarche pour obtenir de grandes faveurs ? Et quand ils rendent la justice, ne faut-il pas une enquête minutieuse et active ? Eh bien ! nous aussi, combattons dans ce temps des bienfaits ce sont les jours de grâces, les jours de la grâce divine, et rien de plus facile que d’obtenir des couronnes. Nous étions chargés de vices, et Dieu nous a accueillis, nous a délivrés de ce fardeau ; et quand après cela nous nous acquittions de nos devoirs, il ne nous accueillerait pas plus favorablement encore ! Ensuite, selon sa coutume, l’apôtre se propose comme modèle, il ajoute : « Nous ne scandalisons personne, pour que notre ministère ne soit point déshonoré (3) ». Il ne s’agit donc plus seulement d’un temps opportun ; mais encore il leur met sous les yeux de grands exemples pour les porter au bien : et cela sans orgueil, sans arrogance. Il ne dit pas : regardez-nous, et voyez notre conduite ; mais il se contente de prévenir le reproche, et c’est pour cette raison uniquement qu’il parle de lui. Voici deux caractères d’une vie sans tache : « Nous ne donnons aucun scandale à personne ». Il ne dit pas : aucun motif d’accusation, son expression a moins d’énergie : « Aucun scandale ». C’est comme s’il disait : Nous ne donnons à personne l’occasion du moindre reproche et de la moindre plainte : « De peur que notre ministère ne soit déshonoré », c’est-à-dire, de peur qu’on n’y trouve quelque chose de répréhensible. Il ne dit point non plus : De peur qu’on ne puisse l’accuser, mais : De peur qu’on n’y surprenne la moindre faute, qu’on ne puisse y soupçonner quoi que ce soit.
« Mais en toutes choses nous nous présentons comme les ministres de Dieu… (4) ». Ceci est d’un ordre bien plus élevé. Ce n’est certes pas la même chose d’être exempt de tout reproche, et de se montrer aux yeux de tous comme les ministres de Dieu. Il y a bien plus de gloire à mériter des éloges qu’à se mettre simplement à l’abri des reproches.