Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 3, 1864.djvu/270

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honnêtes et de condition libre, dont la robe tombe jusque sur ses talons, paraît plus belle et plus sage, ainsi l’Église se montre plus brillante en ce jour où votre foule l’entoure comme une robe à longs plis. Car aujourd’hui on ne peut rien découvrir en elle qui soit resté à nu, comme dans les jours précédents. Mais à qui faut-il imputer cette nudité des autres jours ? à ceux qui viennent aujourd’hui seulement près de leur mère, qui ne restent pas toujours à ses côtés. Il n’y a pas un médiocre danger à négliger sa mère qu’on laisse ainsi à nu ; rappelons-nous une vieille histoire, rappelons-nous ce fils qui vit son père nu, et qui fut puni pour l’avoir vu ainsi. (Gen. 9,21 et seq) Cependant ce n’était pas lui qui avait fait que son père était nu, il n’avait fait que le voir nu ; même dans cette circonstance, il n’échappa pas au châtiment ; il n’avait fait que le voir, mais ceux qui sont aujourd’hui présents, qui, les jours passés, n’étaient pas présents, ceux-là ne voient pas seulement la nudité, ils font la nudité de leur mère. Eh bien ! si le fils qui a seulement vu la nudité n’a pas échappé au châtiment, quel pardon pourraient mériter ceux qui produisent la nudité ? Je ne veux blesser personne, mais fuyons le châtiment, fuyons la malédiction de Cham ; imitons la piété de Sem et de Japhet, et nous aussi enveloppons toujours cette mère qui est notre mère. C’est l’esprit des Juifs de ne se montrer que trois fois dans l’année en la présence de Dieu. C’est à eux qu’il a été dit : Trois fois dans l’année, tu te présenteras au Seigneur ton Dieu (Ex. 23,17) ; quant à nous, Dieu veut que nous nous présentions toujours devant lui. Pour les Juifs, c’étaient les distances des lieux qui réduisaient ainsi le nombre de leurs assemblées, car le culte d’alors était renfermé dans un seul lieu ; voilà pourquoi ils ne pouvaient se réunir, paraître que dans des occasions dont le nombre était limité ; on ne pouvait adorer qu’à Jérusalem, ailleurs, défense expresse. Voilà pourquoi l’ordre était de se présenter trois fois l’an devant Dieu, la longueur du voyage servait d’excuse ; pour nous, aucune excuse ne peut valoir. En outre, les Juifs étaient dispersés par toute la terre. Or il y avait dans Jérusalem des juifs pieux, de toutes les nations qui sont sous le ciel (Act. 2,5) ; nous, au contraire, nous habitons, tous tant que nous sommes, une seule et même ville, les mêmes murailles nous renferment, souvent même une ruelle ne nous sépare pas de l’église, et on dirait que de longs espaces de mers nous en tiennent écartés à voir combien sont rares nos apparitions dans cette sainte assemblée. Les Juifs encore ne reçurent d’ordre que pour la célébration de trois fêtes, mais vous avez, vous, l’ordre de Dieu de célébrer toujours la fête, car c’est pour nous toujours fête. Et pour vous montrer que notre fête est de tous les jours, je veux vous dire les sujets de fêtes et vous comprendrez que chaque jour est une fête pour nous. Eh bien ! chez nous, la première c’est l’Épiphanie[1]. Quel en est le sujet ? C’est que Dieu a paru sur la terre, et il a conversé avec les hommes (Bar. 3,38) ; c’est que le Dieu, fils unique de Dieu, était avec nous ; mais cela dure toujours : Car voici, dit-il, que je serai toujours avec vous, jusqu’à la consommation des siècles (Mt. 28,20) ; voilà pourquoi on peut tous les jours célébrer l’Épiphanie. Que signifie la fête de Pâques ? quel en est le sujet ? C’est la mort du Seigneur que nous annonçons alors ; voilà la fête de Pâques, mais nous ne la célébrons pas dans un temps exclusivement déterminé. En effet, Paul voulant nous affranchir de la nécessité des temps, et nous montrer que l’on peut toujours célébrer la Pâque : Toutes les fois, dit-il, que vous mangerez ce pain, et que vous boirez ce calice, vous annoncerez la mort du Seigneur. (1Cor. 11,26) Donc si nous pouvons toujours annoncer la mort du Seigneur, nous pouvons toujours célébrer la Pâque. Voulez-vous savoir que la fête d’aujourd’hui peut chaque jour être accomplie, je dis plus, que c’est réellement la fête de tous les jours ? Voyons quel est le sujet de la présente fête, et pourquoi la célébrons-nous ? C’est que l’Esprit est venu à nous, car de même que le Fils unique de Dieu est avec les hommes fidèles, ainsi demeure avec eux l’Esprit de Dieu. Qui le prouve ? Celui qui m’aime, dit le Seigneur, gardera mes commandements, et moi je prierai mon Père et il vous donnera un autre Consolateur, afin qu’il demeure éternellement avec vous, l’Esprit de vérité. (Jn. 14,15, 17) Donc, comme le Christ a dit, en parlant de lui-même : Voici que je serai toujours avec vous, jusqu’à la consommation

  1. Saint Chrysostome se conforme à l’usage antique de l’Orient, selon lequel l’Épiphanie était à la fois et la fête de la naissance de Jésus-Christ, et celle de son adoration par les Mages, et celle de son baptême. En d’autres endroits, notamment dans le panégyrique de saint Philogone, tom. 2, pag. 136, il se conforme à l’usage récemment établi de célébrer à part la Nativité, et il nomme cette dernière fête la première de toutes les fêtes.