Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 4, 1864.djvu/257

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

aurait point de danger ; s’il n’y avait point de danger, Paul n’aurait pas eu de craintes ; et le Christ n’aurait pas ordonné de brûler l’ivraie s’il était indifférent d’écouter celui-ci ou celui-là, en un mot le premier venu.
4. Que signifie cette parole ? Je prendrai les choses d’un peu plus haut : il faut que vous sachiez dans quelle situation se trouvait Paul au moment qu’il écrivait cela. Dans quelle situation était-il ? En prison, dans les chaînes, dans les plus grands dangers. Comment le savons-nous ? Par sa lettre même, car il dit plus haut : Or je désire que vous sachiez, mes frères, que ce qui m’est arrivé a servi au progrès de l’Évangile ; en sorte que mes liens sont devenus célèbres à la cour, dans les autres lieux de la ville, à la gloire de Jésus-Christ ; et ainsi plusieurs de nos frères en Notre-Seigneur ont pris confiance en mes liens et conçu une hardiesse nouvelle pour annoncer sans crainte la parole de Dieu. (Phil. 1,12, 14) C’était Néron qui l’avait jeté dans les fers. De même qu’un voleur qui entre dans une maison pendant que tout le monde dort, et la dévalise, s’il voit quelqu’un allumer une lampe, il éteint la lumière et tue celui qui la porte, afin de pouvoir en liberté achever le pillage ; ainsi l’empereur Néron, semblable à un voleur et à un brigand, pendant que tous les hommes étaient plongés dans un profond et insensible sommeil, pillait les biens, souillait les mariages, ruinait les maisons, commettait tous les crimes. Quand il vit Paul porter la lumière dans le monde entier ; je dis la parole de la doctrine, et confondre sa scélératesse, il voulut étouffer la prédication et mettre à mort celui qui instruisait les hommes, afin de pouvoir en liberté commettre tous les excès ; il enchaîna le saint, et le jeta en prison. C’est alors que Paul écrivit les paroles que vous avez entendues.
Qui ne serait frappé d’étonnement et d’admiration, ou plutôt qui serait assez étonné, qui admirerait assez cette âme noble et vraiment céleste ? A Rome, dans les fers, du fond de sa prison, de si loin, il écrit aux Philippiens ! Vous savez quelle distance sépare la. Macédoine de Rome. Mais ni la distance, ni le temps, ni les difficultés, ni les dangers, ni les malheurs sans fin, ne purent faire sortir de son âme l’amour ni le souvenir de ses disciples. Ils étaient toujours présents à sa pensée. Moins solides étaient les liens qui enchaînaient ses mains que l’amour qui attachait son cœur à ses disciples. C’est ce qu’il fait paraître au commencement de sa lettre : Car je vous ai tous dans le cœur, à cause de la part que vous avez prise à mes liens, à ma défense, et à l’affermissement de l’Évangile. (Phil. 1, 7) Et comme un roi qui le matin monte sur son trône, s’assied sur le siège royal, et reçoit de toute part d’innombrables lettres, Paul, assis dans sa prison comme dans un palais, recevait et envoyait plus de lettres qu’un roi, car toutes les nations en appelaient à sa sagesse ; il avait plus de soins que l’empereur même, car un empire plus grand lui était confié. Ce n’était pas seulement le monde romain, mais encore le monde barbare, la terre et les mers, que Dieu avait mis en ses mains. C’est pourquoi il disait aux Romains : Je ne veux pas, mes frères, que vous ignoriez que j’avais souvent proposé de vous aller voir pour faire quelque fruit parmi vous, comme dans les autres nations ; mais je me dois aux Grecs et aux Barbares, aux sages et aux simples. (Rom. 1, 13, 14) Chaque jour donc, il s’inquiétait de ce que faisaient les Corinthiens, les Macédoniens, de la vie que menaient les Philippiens, les Galates, les Athéniens, les habitants de Pont, et tous les hommes. Cependant, quoique la terre entière lui fût confiée, il ne s’inquiétait point seulement des nations, mais aussi de chaque homme. Tantôt il envoyait une lettre à l’occasion d’Onésime, tantôt à l’occasion de celui qui avait commis chez les Corinthiens le péché de fornication. Car il ne songeait point que ce n’était qu’un pécheur qui avait besoin de direction, mais que c’était un homme, un homme aux regards de Dieu la plus précieuse des créatures, et pour laquelle il n’a point hésité à donner son Fils unique.
5. Ne me dites point que c’est un esclave fugitif, un voleur, un brigand chargé de tous les crimes ; que c’est un mendiant, un homme méprisé, sans prix ni valeur. Mais songez que pour cet homme, comme pour les autres, le Christ est mort, et cela suffit pour que Vous lui donniez tous vos soins. Songez au prix que vaut cette créature que le Christ a estimé assez haut pour ne point épargner son sang. Si un roi se sacrifiait pour un homme, nous ne demanderions pas d’autre preuve de la valeur de cet homme ni de l’état que le roi faisait de lui, je pense. Car cette mort suffirait pour démontrer l’amour qu’avait pour lui celui qui aurait donné sa vie.