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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 4, 1864.djvu/590

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silence, il n’a pas dédaigné devenir révéler son bienfait, non par ostentation, mais pour montrer et prouver par ses actes, qu’il était au nombre des fidèles dévoués au roi, et non pas au nombre des traîtres et des malfaiteurs. En effet, c’est quand il y a un grand profit à espérer, qu’il est permis de parler de ses bienfaits. Celui qui en fait mention et les proclame, sans avoir de raison pour cela, ne vaut pas mieux que celui qui les reproche ; mais celui qui agit ainsi pour convaincre un ennemi partial et prévenu, celui-là fait un acte de bonne volonté et de bienfaisance. C’est ce que fit David ; non qu’il fût jaloux du suffrage de Saül, mais parce qu’il voulait arracher le ressentiment enraciné dans le cœur de ce roi. Et c’est pourquoi Saül le remercie à la fois et de lui avoir rendu un service, et de le lui avoir révélé.
Ensuite cherchant un moyen de témoigner sa reconnaissance et n’en trouvant point qui fût à la hauteur des services reçus, il transfère sa dette au nom de Dieu même, en disant : Si quelqu’un trouve son ennemi dans la tribulation, et qu’il le remette dans la bonne voie, que Dieu récompense ce bienfait ; c’est ce que tu as fait aujourd’hui. (1Sa. 24,20) En effet, comment Saül aurait-il pu reconnaître dignement les bienfaits de David, quand bien même il lui aurait donné la royauté et toutes les villes de ses États ?
Ce ne sont point seulement des villes, ce n’est pas la royauté, c’est la vie même qu’il devait à David, et Saül n’avait pas une autre vie à lui donner en échange. Voilà pourquoi il le renvoie à Dieu, et le gratifie des récompenses d’en haut, tout à la fois le remerciant par là et enseignant à tous les hommes qu’il nous est permis d’espérer de Dieu de plus grandes rémunérations, alors qu’en échange de mille services rendus à nos ennemis, nous n’obtenons en retour que dès traitements contraires. Puis il ajoute : Voici que je comprends que tu régneras et que la royauté d’Israël sera dans ta main. Et maintenant jure-moi par le Seigneur que tu n’extermineras point ma race après moi, et que tu n’effaceras point mort nom de la maison de mon père. (Id. 5,21-22) Et qu’est-ce qui te fait deviner cela, dis-moi ? Dans ta main sont les armées, dans ta main les trésors, les armes, les villes, les chevaux, les soldats, tout ce qui compose un appareil royal : David au contraire est seul et sans appui, sans patrie, sans foyer, sans maison. Qu’est-ce qui te fait parler ainsi, dis-moi ? C’est simplement sa manière d’agir. En effet un homme sans défense, sans armes, sans appui, n’aurait pas triomphé de moi qui suis armé et entouré d’une si grande puissance, s’il n’avait pas eu Dieu à ses côtés ; et celui qui a Dieu à ses côtés n’a pas d’égal en puissance. Voyez-vous quelle est maintenant la sagesse de Saut, de ce persécuteur ? Voyez-vous comment il n’y a pas de méchanceté dont on ne puisse se guérir et se corriger, pour revenir au bien ?
9. Il ne faut donc point désespérer de notre salut. Quand bien même nous serions plongés au fond des abîmes du vice, il nous est possible de revenir à nous, de nous amender, et de nous débarrasser de toutes nos iniquités.
Après cela, que dit Saül : Jure-moi par le Seigneur, que tu n’extermineras point ma race après moi et que tu n’effaceras point mon nom de la maison de mon père. Un roi adresse une requête à un simple particulier ; un homme dont le front est ceint du diadème, prend en main un rameau de suppliant, afin de fléchir un fugitif en faveur de ses propres enfants. Encore un signe de la vertu de David, que son ennemi ait osé lui faire une pareille demande. Quant au serment qu’il réclame, ce n’est point qu’il se défie des sentiments de David, c’est qu’il se rappelle tous les maux qu’il lui a causés. Jure-moi que tu n’extermineras point ma race après moi. Il confie à son ennemi la tutelle de ses enfants, il lui remet entre les mains ses propres rejetons ; on croirait, à l’entendre, qu’il prend par la main tuteur et pupilles, avec Dieu pour médiateur. Mais David ? Est-ce qu’il n’accueille point cette demande, au moins avec un peu d’ironie ? Nullement sans hésiter, il y fait droit, et accorde la faveur demandée : et, après la mort de Saül, non content d’épargner sa race, il fit plus qu’il n’avait promis. Saül laissait un fils boiteux, infirme d’une jambe ; il le fit entrer dans sa maison, asseoir à sa table, et le combla d’honneurs ; et loin d’en rougir, loin de s’en cacher, loin de croire la table royale déshonorée par l’infirmité de cet enfant, il s’en faisait bien plutôt honneur et gloire. En effet chacun de ses convives quittait sa table muni d’une grande leçon de sagesse. En voyant le rejeton de Saül, cet acharné persécuteur de David, en si grand honneur auprès de ce dernier, il n’y en avait point, fût-il plus inhumain que le plus féroce des animaux, quine se hâtât, honteux et confus,