Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/152

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paresse. L’ancienne loi même nous faisait déjà la même défense : « Ne vous arrêtez point », dit-elle, « à considérer une beauté étrangère. » (Prov. 6,25) Et afin que personne ne pût dire : mais si je la regarde sans qu’il en résulte aucun mal ? l’Écriture défend généralement tous ces regards, de peur qu’en s’assurant trop de soi-même, on ne tombe dans le péché.
Mais si je la regarde, dites-vous, et que j’aie même un mauvais désir, quel mal fais-je pourvu que je n’aille pas plus loin ? Cela seul vous range parmi les adultères. Jésus-Christ déclare qu’il vous met de ce nombre. Il est le législateur, il a fait la loi, il ne faut point disputer davantage. Vous pourrez peut-être voir une ou deux ou trois fois une femme sans en ressentir de mauvais effets. Mais si vous vous abandonnez souvent à ces regards, vous allumerez un feu dans votre cœur, dont vous serez enfin consumé. Car vous n’êtes pas d’une autre nature que les autres hommes
Comme donc lorsque nous voyons un enfant prendre un couteau, quoiqu’il ne s’en soit pas blessé, nous ne laissons pas de le châtier et de lui défendre d’y toucher à l’avenir ; Dieu de même nous défend les mauvais regards avant même que nous péchions, afin que nous ne péchions pas. Car celui qui allume dans son cœur cette passion honteuse, lors même que les objets sont absents, se trouve environné de fantômes et d’images détestables, qui le font enfin tomber dans le crime. C’est pour cette raison que Jésus-Christ condamne même cette sorte d’adultère, qui ne se passe que dans le cœur.
Que répondront à ceci ceux qui ont avec eux des jeunes filles demeurant sous le même toit, puisque par cette loi de Jésus-Christ, ils peuvent devenir coupables d’une infinité d’adultères, en les regardant tous les jours avec de mauvais désirs ? Aussi le bienheureux Job s’était d’abord imposé cette loi lui-même, en s’interdisant absolument cette sorte de regards. Car le combat devient plus grand après avoir vu ce que l’on aime, et cette vue ne nous cause pas tant de satisfaction, que la nouvelle violence de notre passion ne nous fait ressentir de douleur. Nous rendons ainsi le démon bien plus puissant contre nous et nous ouvrons la porte à cet ennemi, sans qu’il soit plus en notre pouvoir de le chasser de chez nous, après l’avoir introduit dans le fond de notre cœur et dans le plus secret de nos pensées. C’est pourquoi Jésus-Christ nous dit : Ne soyez point adultère des yeux et vous ne le serez point du cœur.
Il est certain qu’on peut regarder une femme innocemment et comme les personnes chastes la regardent. C’est pourquoi Jésus-Christ ne condamne pas en général toutes sortes de regards, mais seulement ceux qui sont accompagnés d’un mauvais désir. S’il n’eût voulu faire cette distinction, il eût dit simplement : « Celui qui regarde une femme », mais il ne parle pas ainsi, et il dit : « Celui qui regarde une femme avec un mauvais désir ; » c’est-à-dire, celui qui la regarde afin de contenter ses yeux. Dieu ne vous a pas donné des yeux pour que vous introduisiez par là l’adultère dans votre âme, mais afin que, contemplant ses créatures, vous en admiriez le Créateur. Comme donc on se met en colère « sans sujet », on regarde aussi « sans sujet », lorsqu’on le fait avec un mauvais désir.
Si vous voulez prendre plaisir à voir une femme, regardez la vôtre et aimez-la toujours. Il n’y a point de loi qui vous le défende. Que si vous en regardez curieusement une autre, vous faites tort à celle que Dieu vous a donnée, en détournant vos yeux d’elle pour en regarder une autre, et vous faites encore une injure à celle que vous regardez. Car quoique vous ne la touchiez pas de la main, on peut dire néanmoins que vous la touchez des yeux et du désir. Dieu regarde cela comme un véritable adultère, et avant que de le punir par les peines de l’enfer, il le punit ici par avance par des supplices rigoureux. Car l’esprit est rempli aussitôt de nuages et de troubles. Il entre dans l’agitation et l’inquiétude, et il est percé des pointes de la douleur. Un homme en cet état est aussi misérable que les captifs qui gémissent sous leurs chaînes. Cette femme qui vous a blessé d’un de ses regards, s’est retirée de vous, mais la plaie qu’elle vous a faite demeure toujours ; ou plutôt ce n’est pas celle femme qui vous a fait cette plaie, c’est vous-même qui vous êtes blessé en la regardant d’une manière déshonnête.
Je dis ceci afin qu’on n’accuse point celles d’entre les femmes qui sont sages et modestes, Que si quelqu’une prend plaisir à se parer et à se rendre agréable et qu’elle attire ainsi sur elle les regards de tous les hommes, quoique peut-être elle ne fasse aucun mal à ceux qui la