Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/153

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voient, elle ne laissera pas d’être punie d’un supplice extrême. Car elle a mêlé le poison, elle l’a préparé, elle n’avait plus qu’à le présenter à boire, ou plutôt elle l’a même présenté ; mais il ne s’est trouvé personne pour boire ce breuvage de mort.
3. Quoi donc ! direz-vous, Jésus-Christ parle-t-il aussi aux femmes en cet endroit ? Les lois qu’il établit ici sont communes aux hommes et aux femmes, quoiqu’il adresse son discours particulièrement aux hommes. Quand il parle au chef, il parle à tout le corps. Il sait que l’homme et la femme ne sont qu’un, et il ne les divise point. Que si vous voulez entendre un avis particulier pour les femmes, voyez ce que dit Isaïe, qui jette tant de ridicule sur leur vanité dans leurs habits, dans leurs regards, dans leur marcher, dans leurs robes traînantes, dans leurs démarches affectées, et dans tout le port de leur corps. Écoutez après Isaïe saint Paul, qui leur donne beaucoup d’avis touchant leurs habits, leurs ornements d’or, leurs cheveux frisés, leur luxe, et autres choses semblables qu’il leur défend très sévèrement. Et Jésus-Christ exprime la même pensée, quoique obscurément. Car en disant : Arrachez et coupez ce qui vous scandalise, il montre avec quelle colère on doit traiter ces sortes de personnes. C’est pourquoi il ajoute : « Que si votre œil droit vous est tin sujet de scandale, arrachez-le, et jetez-le loin de vous (29). » Et ne dites pas : mais quoi ! si c’est ma parente, si c’est mon alliée ? L’objection est prévenue par ces paroles, ce sont ces personnes-là précisément que Jésus-Christ nous ordonne de retrancher et non pas les membres mêmes de notre corps. Dieu nous garde de cette pensée ! il n’accuse point notre chair, mais il condamne la corruption de la volonté. Ce n’est point l’œil qui regarde, mais l’esprit et la pensée. Il arrive, tous les jours que lorsque notre esprit est appliqué ailleurs, notre œil ne voit pas ceux qui sont présents parce que l’action dépend de l’esprit. Si Jésus-Christ eût parlé de nos membres, il ne nous eût pas commandé d’arracher seulement un œil, et il n’eût pas marqué particulièrement le droit, mais il y aurait joint le gauche. Car celui qui est scandalisé par le droit, l’est sans doute aussi par le gauche.
Pourquoi donc marque-t-il précisément l’œil droit, et ensuite la main droite, sinon pour nous apprendre qu’il ne parle point des membres de notre corps, mais des personnes qui nous sont le plus unies ? Quand vous aimeriez, dit-il, quelqu’un, de telle sorte que vous le regarderiez comme votre œil droit, ou que vous vous le croiriez aussi utile que votre main droite, néanmoins s’il nuit à votre âme, retranchez-le hardiment de vous. Et remarquez la force de ces paroles. Il ne dit pas : Retirez-vous de lui ; mais pour marquer une plus grande séparation : « Arrachez-le », dit-il, « et le jetez loin de vous. » Mais après un commandement si rude, il en fait voir l’avantage, et par les biens que nous en recevons, et par le mal que nous évitons ; et, demeurant toujours dans la même comparaison, il ajoute : « Car il vaut bien mieux pour vous qu’une partie de votre corps périsse, que si tout votre corps était jeté dans l’enfer (29). Et si votre main droite vous est un sujet de scandale, coupez-la et jetez-la loin de vous. Car il vaut bien mieux pour vous e qu’une partie de votre corps périsse, que si tout votre corps était dans l’enfer (30). » Car puisque cette personne ne se sauve pas elle-même, et qu’elle vous perd avec elle, quelle amitié serait-ce de tomber tous deux dans le précipice, lorsqu’en se séparant, l’un des deux au moins pourrait se sauver ? Pourquoi donc saint Paul, dites-vous, souhaitait-il d’être anathème ? Ce n’était pas pour se perdre inutilement, mais pour acheter par sa perte le salut des autres. Mais ici tous deux se perdent sans ressource. C’est pourquoi Jésus-Christ ne dit pas seulement : « Arrachez-le », mais « jetez-le loin de vous ; » afin que vous ne le repreniez plus s’il continue à vous être dangereux. Car vous empêcherez ainsi qu’il ne soit puni davantage, et vous vous sauverez vous-même.
Mais pour voir plus clairement l’avantage de ce précepte, examinons-le en le comparant avec ce qui se passe dans notre corps. Si on nous donnait le choix, et qu’il fallût nécessairement ou, en conservant nos deux yeux, tomber dans le précipice, ou en perdre un pour conserver tout le corps, n’est-il pas clair que nous choisirions le dernier parti, et que ce ne serait pas alors haïr son œil que de le perdre, mais aimer le reste du corps ? Appliquons ceci aux personnes qui nous sont chères. Si quelqu’un vous nuit par l’affection qu’il a pour vous, sans que vous puissiez y remédier, en le retranchant de vous, premièrement vous empêcherez qu’il ne vous perde, ensuite vous le sauverez d’une condamnation plus terrible en faisant en sorte qu’il n’ait pas à rendre compte et de ses propres péchés et de votre perte. Il est donc visible que cette loi est très douce et très charitable, quoiqu’elle semble si sévère à tant de personnes.
Que ceux qui sont si ardents pour le théâtre et dont les yeux se remplissent d’adultères presque tous les jours, écoutent ce que nous disons. Si Jésus-Christ nous commande de retrancher de nous nos plus intimes amis, lorsqu’ils nous sont un sujet de scandale, qui pourra excuser ceux qui sans connaître d’ailleurs des personnes, et seulement parce qu’ils les voient tous les jours au théâtre, s’engagent dans dès connaissances qui leur font naître mille occasions de se perdre ? Jésus-Christ ne se contente pas de défendre les regards accompagnés de mauvais désirs, mais, après avoir montré le mal qu’ils peuvent faire, il va plus loin, et il ordonne de s’arracher l’œil et la main, et de les jeter loin de nous. Et cependant celui qui fait cette loi qui paraît si dure, est celui-là même qui nous commande tant la charité fraternelle, ce qui nous fait voir combien il veille pour notre salut, et comme il a soin d’écarter de nous ce qui nous peut nuire.
4. « Il a été dit encore : Quiconque veut quitter sa femme, qu’il lui donne un écrit par lequel il déclare qu’il la répudie (31). Mais « moi je vous dis que quiconque quitte sa femme, si ce n’est en cas de fornication, la fait devenir adultère, et que quiconque épouse celle que son mari aura quittée, commet un adultère (32). » Jésus-Christ ne passe à ces ordonnances plus hautes qu’après avoir purifié tout ce qu’il y avait de plus grossier. Car il nous apprend encore ici une autre espèce d’adultère. Il y avait une loi qui permettait à un homme qui avait conçu de l’aversion pour sa femme pour quelque sujet que ce fût, de la quitter et d’en prendre une autre, pourvu qu’on lui donnât un écrit par lequel il déclarait qu’il la répudiait, afin qu’il ne fût plus permis à cette femme de le reprendre pour mari, et qu’au moins cette ombre de mariage subsistât. Car si le législateur n’eût apporté cette restriction, et qu’il eût simplement permis à un homme de répudier sa femme pour en prendre une autre, et de reprendre ensuite