Page:Jean Paul - Sur l’éducation, 1886, trad. Favre.djvu/15

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bien et se perfectionne en assistant à la naissance d’un moi, d’une conscience, d’un être divin dans l’être humain. C’est ainsi que sa vie devient une éloquente prédication qui donne elle-même la vie.

Outre cette action indirecte et le plus souvent inconsciente, quel est le rôle de l’éducateur dans la création de l’homme moral, dans la naissance et les progrès de l’idéal ? C’est là surtout que nous voudrions lui recommander le silence et la patience. C’est en effet dans le silence qu’il doit observer la nature de l’enfant, de peur de lui dicter un idéal à sa façon, au lieu d’aider le réveil de son individualité ! L’éducation est une œuvre désintéressée : il ne s’agit pas d’encourager et de développer les goûts, les aptitudes et les qualités qui sont le plus conformes à ceux du maître, afin que celui-ci se retrouve lui-même dans son œuvre et qu’il se complaise dans la contemplation de son image. Mais il faut que le maître s’efface pour faire place à la personnalité de l’élève ; qu’il respecte l’œuvre de la nature et qu’il en favorise le libre développement pour l’amener à l’état le plus parfait. Qu’il se garde de troubler par une intervention intempestive l’action de la raison et de la conscience qui s’éveillent ! Qu’il travaille à se rendre lui-même inutile, en faisant le plus souvent appel à ce maître intérieur, qu’il s’agit de rendre clairvoyant, juste et ferme, puisque c’est lui qui est le directeur permanent de l’homme ! Qu’il craigne plus d’entraver la liberté de son élève que de l’exposer à faire des