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Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 1, 1880.djvu/107

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pas plus pres de terre que la portée de leurs flesches. Ainsi leur monstrans de loin des cousteaux, miroirs, peignes, et autres baguenauderies, pour lesquelles, en les appellant, ils leur demanderent des vivres : si tost que quelques uns, qui s’approcherent le plus pres qu’ils peurent, l’eurent entendu, eux sans se faire autrement prier, avec d’autres en allerent querir en grande diligence. Tellement que nostre Contremaistre à son retour nous rapporta non seulement de la farine faite d’une racine, laquelle les Sauvages mangent au lieu de pain, des jambons, et de la chair d’une certaine espece de sangliers, avec d’autres victuailles et fruicts à suffisance tels que le pays les porte : mais aussi pour nous les presenter, et pour haranguer à nostre bien venue, six hommes et une femme ne firent point de difficulté de s’embarquer pour nous venir voir au navire. Et parce que ce furent les premiers sauvages que je vis de pres, vous laissant à penser si je les regarday et contemplay attentivement, encore que je reserve à les descrire et depeindre au long en autre lieu plus propre : si en veux-je dés maintenant icy dire quelque chose en passant. Premierement tant les hommes que la femme estoyent aussi entierement nuds, que quand ils sortirent du ventre de leurs meres : toutesfois pour estre plus bragards, ils estoyent peints et noircis par tout le corps. Au reste les hommes seulement, à la façon et comme la couronne d’un moine, estans tondus fort pres sur le devant de la teste, avoyent sur le derriere les cheveux longs : mais ainsi que ceux qui portent leurs perruques par deçà, ils estoyent roignez à l’entour du col. Davantage, ayans tous les levres de dessous trouëes et percées, chacun y avoit et portoit une pierre verte, bien polie, proprement appliquée, et comme enchassée, laquelle