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Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 1, 1880.djvu/108

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estant de la largeur et rondeur d’un teston, ils ostoyent et remettoyent quand bon leur sembloit. Or ils portent telles choses en pensant estre mieux parez : mais pour en dire le vray, quand ceste pierre est ostée, et que ceste grande fente en la levre de dessous leur fait comme une seconde bouche, cela les deffigure bien fort. Quant à la femme, outre qu’elle n’avoit pas la levre fendue, encores comme celles de par deçà portoit-elle les cheveux longs : mais pour l’esgard des oreilles, les ayant si despiteusement percées qu’on eust peu mettre le doigt à travers des trous, elle y portoit de grans pendans d’os blancs, lesquels luy battoyent jusques sur les espaules. Je reserve aussi à refuter cy apres l’erreur de ceux qui nous ont voulu faire accroire que les sauvages estoyent velus. Cependant avant que ceux dont je parle partissent d’avec nous, les hommes, et principalement deux ou trois vieillards qui sembloyent estre des plus apparens de leurs paroisses (comme on dit par deçà), allegans qu’il y avoit en leur contrée du plus beau bois de Bresil qui se peust trouver en tout le pays, lequel ils promettoyent de nous aider à couper et à porter : et au reste nous assister de vivres, firent tout ce qu’ils peurent pour nous persuader de charger là nostre navire. Mais parce que, comme nos ennemis que j’ay dit qu’ils estoyent, cela estoit nous appeller, et faire finement mettre pied en terre, pour puis apres, eux ayans l’avantage sur nous, nous mettre en pieces et nous manger, outre que nous tendions ailleurs, nous n’avions garde de nous arrester là.

Ainsi apres qu’avec grande admiration nos Margajas eurent bien regardé nostre artillerie et tout ce qu’ils voulurent dans nostre vaisseau, nous pour quelque consideration et dangereuse consequence (nommé-