Aller au contenu

Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 1, 1880.djvu/121

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le beau premier jour, à nostre arrivée. Outreplus sur le soir qu’il fut question de trouver logis, le sieur du Pont et les deux Ministres ayans esté accommodez en une chambre telle quelle, au milieu de l’isle, à fin aussi de gratifier nous autres de la Religion, on nous bailla une maisonnette, laquelle un sauvage esclave de Villegagnon achevoit de couvrir d’herbe, et bastir à sa mode sur le bord de la mer : auquel lieu à la façon des Ameriquains, nous pendismes des linceux et des licts de Coton, pour nous coucher en l’air. Ainsi dés le lendemain et les jours suyvans, sans que la necessité contraignist Villegagnon, qui n’eut nul esgard à ce que nous estions fort affoiblis du passage de la mer, ni à la chaleur qu’il fait ordinairement en ce pays-là : joint le peu de nourriture que nous avions, qui estoit en somme chacun par jour deux gobelets de farine dure, faite des racines, dont j’ay parlé (d’une partie de laquelle avec de ceste eau trouble de la cysterne susdite, nous faisions de la boulie, et ainsi que les gens du pays, mangions le reste sec), il nous fit porter la terre et les pierres en son fort voire en telle diligence, qu’avec ces incommoditez et debilitez, estans contraints de tenir coup à la besongne, depuis le poinct du jour jusques à la nuict, il sembloit bien nous traiter un peu plus rudement que le devoir d’un bon pere (tel qu’il avoit dit à nostre arrivée nous vouloir estre) ne portoit envers ses enfans. Toutesfois tant pour le grand desir que nous avions que ce bastiment et retraite, qu’il disoit vouloir faire aux fideles en ce pays-là, se parachevast, que parce que maistre Pierre Richier nostre plus ancien Ministre, à fin de nous accourager davantage, disoit que nous avions trouvé un second sainct Paul en Villegagnon (comme de faict, je n’ouy jamais homme mieux parler de la