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Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 1, 1880.djvu/132

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amenez en France : où estans arrivez et presentez au Roy Henry Second lors regnant, il en fit present à plusieurs grands seigneurs : et entre autres il en donna un à feu monsieur de Passy, lequel le fit baptizer, et l’ay recognu chez luy depuis mon retour.

Au surplus le troisieme jour d’Avril, deux jeunes hommes, domestiques de Villegagnon, espouserent au presche, à la façon des Eglises reformées, deux de ces jeunes filles que nous avions menées de France en ce pays-là. Dequoy je fais ici mention, d’autant que non seulement ce furent les premieres nopces et mariages faits et solennisez à la façon des Chrestiens en la terre de l’Amerique : mais aussi parce que beaucoup de sauvages, qui nous estoyent venus voir, furent plus estonnez de voir des femmes vestues (car au paravant ils n’en avoyent jamais veu) qu’ils ne furent esbahis des ceremonies Ecclesiastiques, lesquelles cependant leur estoyent aussi du tout incognues. Semblablement le dix-septiesme de May, Cointa espousa une autre jeune fille, parente d’un nommé la Roquette de Rouen, laquelle avoit passé la mer quand et nous : mais estant mort quelque temps apres que nous fusmes là arrivez, il laissa heritiere sa dite parente de la marchandise qu’il avoit portée, laquelle consistoit en grande quantité de cousteaux, peignes, miroirs, frises de couleurs, haims à pescher, et autres petites besongnes propres à traffiquer entre les sauvages : ce qui vint bien à point à Cointa, lequel se sceut bien accommoder du tout. Les deux autres filles (car comme il a esté veu en nostre embarquement, elles estoyent cinq) furent aussi incontinent apres mariées à deux Truchemens de Normandie : tellement qu’il ne demeura plus entre nous femmes ny filles Chrestiennes à marier.