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Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 1, 1880.djvu/133

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Surquoy aussi à fin de ne taire non plus ce qui estoit louable que vituperable en Villegagnon, je diray en passant, qu’à cause de certains Normans, lesquels dés long temps au paravant qu’il fust en ce pays-là, s’estoyent sauvez d’un navire qui avoit fait naufrage, et estoyent demeurez parmi les sauvages, où vivans sans crainte de Dieu, ils paillardoyent avec les femmes et filles (comme j’en ay veu qui en avoyent des enfans ja aagez de quatre à cinq ans), tant, di-je, pour reprimer cela, que pour obvier que nul de ceux qui faisoyent leur residance en nostre isle et en nostre fort n’en abusast de ceste façon : Villegagnon, par l’advis du conseil fit deffense à peine de la vie, que nul ayant titre de Chrestien n’habitast avec les femmes des sauvages. Il est vray que l’ordonnance portoit, que si quelques unes estoyent attirées et appelées à la cognoissance de Dieu, qu’apres qu’elles seroyent baptizées, il seroit permis de les espouser. Mais tout ainsi que, nonobstant les remontrances que nous avons par plusieurs fois faites à ce peuple barbare, il n’y en eut pas une qui laissant sa vieille peau, voulust advouër Jesus Christ pour son sauveur : aussi, tout le temps que je demeuray là, n’y eut-il point de François qui en print à femme. Neantmoins comme ceste loy avoit doublement son fondement sur la parole de Dieu, aussi fut-elle si bien observée, que non seulement pas un seul des gens de Villegagnon ny de nostre compagnie ne la transgressa, mais aussi quoy que depuis mon retour j’aye entendu dire de luy : que quand il estoit en l’Amerique il se polluoit avec les femmes sauvages, je luy rendray ce tesmoignage, qu’il n’en estoit point soupçonné de nostre temps. Qui plus est, il avoit la pratique de son ordonnance en telle recommandation, que, n’eust esté l’instante requeste