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Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 1, 1880.djvu/138

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eu un bourreau en sa conscience, il devint si chagrin que jurant à tous coups le corps sainct Jaques (qui estoit son serment ordinaire) qu’il romproit la teste, les bras et les jambes au premier qui le fascheroit, nul ne s’osoit plus trouver devant luy. Surquoy, puis qu’il vient à propos je reciteray la cruauté que je luy vis en ce temps-là exercer sur un François nommé la Roche, lequel il tenoit à la chaîne. L’ayant donc fait coucher tout à plat contre terre, et par un de ses satellites à grands coups de baston tant fait battre sur le ventre, qu’il en perdoit presque le vent et l’haleine, apres que le pauvre homme fut ainsi meurtri d’un costé, cest inhumain disoit, Corps S. Jaques paillard, tourne l’autre tellement qu’encores qu’avec une pitié incroyable il laissast ainsi ce pauvre corps tout estendu, brisé et à demi mort, si ne fallut il pas pour cela qu’il laissast de travailler de son mestier, qui estoit menusier. Semblablement d’autres François qu’il tenoit à la chaîne pour mesme occasion que le susdit la Roche, assavoir, parce qu’à cause du mauvais traitement qu’il leur faisoit avant que nous fussions en ce pays-là, ils avoyent conspiré entre eux de le jetter en mer, estans plus travaillez que s’ils eussent esté aux galeres, aucuns d’entre eux charpentiers de leur estat, l’abandonnant, aimerent mieux s’aller rendre en terre ferme avec les sauvages (lesquels aussi les traittoyent plus humainement) que de demeurer davantage avec luy. Comme aussi trente ou quarante hommes et femmes sauvages Margajas, lesquels les Toüoupinambaoults nos alliez avoyent prins en guerre, et les luy avoyent vendus pour esclaves, estoyent traittez encores plus cruellement. Et de faict, je luy vis une fois faire embrasser une piece d’artillerie à l’un d’entre eux nommé Mingant, auquel pour une chose qui ne