Aller au contenu

Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 1, 1880.djvu/159

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

primes, rondes et desliées qu’un denier tournois : percées qu’elles sont par le milieu, et enfilées avec du fil de cotton, ils en font des colliers qu’ils nomment Boü-re, lesquels quand bon leur semble, ils tortillent à l’entour de leur col, comme on fait en ces pays les chaines d’or. C’est à mon advis ce qu’aucuns appellent porcelaine, dequoy nous voyons beaucoup de femmes porter des ceintures par-deça : et en avois plus de trois brasses, d’aussi belles qu’il s’en puisse voir, quand j’arrivay en France. Les sauvages font encore de ces coliers qu’ils appellent Boüre, d’une certaine espece de bois noir, lequel, pour estre presques aussi pesant et luysant que jayet, est fort propre à cela.

Davantage nos Ameriquains ayant quantité de poules communes, dont les Portugais leur ont baillé l’engeance, plumans souvent les blanches et avec quelques ferremens, depuis qu’ils en ont, et auparavant avec des pieces trenchantes decoupans plus menu que chair de pasté les duvetz et petites plumes, apres qu’ils les ont fait bouillir et teindre en rouge avec du Bresil, s’estans frottez d’une certaine gomme, qu’ils ont propre à cela, ils s’en couvrent, emplumassent, et chamarrent le corps, les bras et les jambes : tellement qu’en cest estat ils semblent avoir du poil folet, comme les pigeons, et autres oyseaux nouvellement esclos. Et est vraysemblable que quelques uns de ces pays par deçà, les ayant veu du commencement qu’ils arriverent en leur terre accoustrez de ceste façon, s’en estans revenus sans avoir plus grande cognoissance d’eux, divulguerent et firent courir le bruit que les sauvages estoyent velus : mais comme j’ay dit cy dessus, ils ne sont pas tels de leur naturel, et partant ç’a esté une ignorance, et chose trop legerement