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Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 1, 1880.djvu/162

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amplement en autre endroit, comme les plus grans guerriers d’entre eux, à fin de monstrer leur vaillance, et sur tout combien ils ont tué de leurs ennemis, et massacrez de prisonniers pour manger, s’incisent la poitrine, les bras et les cuisses : puis frottent ces deschiquetures d’une certaine poudre noire, qui les fait paroistre toute leur vie : de maniere qu’il semble, à les voir de ceste façon, que ce soyent chausses et pourpoints decoupez à la Suisse et à grand balaffres, qu’ils ayent vestus.

Que s’il est question de sauter, boire et caouiner, qui est presque leur mestier ordinaire, à fin qu’outre le chant et la voix, dont ils usent coustumierement en leurs danses, ils ayent encor quelques choses pour leur resveiller l’esprit, apres qu’ils ont cueilli un certain fruict qui est de la grosseur, et aucunement approchant de la forme d’une chastagne d’eau, lequel a la peau assez ferme : bien sec qu’il est, le noyau osté, et au lieu d’iceluy mettans de petites pierres dedans, en enfilant plusieurs ensemble, ils en font des jambieres, lesquelles liées à leurs jambes, font autant de bruit que feroyent des coquilles d’escargots ainsi disposées, voire presque que les sonnettes de par deçà, desquelles aussi ils sont fort convoiteux quand on leur en porte.

Outre plus, y ayant en ce pays-la une sorte d’arbres qui porte son fruict aussi gros qu’un oeuf d’Austruche, et de mesme figure, les sauvages l’ayant percé par le milieu (ainsi que vous voyez en France les enfans percer de grosses noix pour faire des molinets) puis creusé et mis dans iceluy de petites pierres rondes, ou bien des grains de leur gros mil, duquel il sera parlé ailleurs, passant puis apres un baston d’environ un pied et demi de long à travers, ils en font un