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Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 1, 1880.djvu/168

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apres nous, disant : Mair, deagatorem, amabé mauroubi : c’est à dire, François tu es bon, donne moy de tes bracelets de boutons de verre. Elles faisoyent le semblable pour tirer de nous des peignes qu’elles nomment Guap ou Kuap, des miroirs qu’elles appellent Aroua, et toutes autres merceries et marchandises que nous avions dont elles avoyent envie.

Mais entre les choses doublement estranges et vrayement esmerveillables, que j’ay observées en ces femmes Bresiliennes, c’est qu’encores qu’elles ne se peinturent pas si souvent le corps, les bras, les cuisses et les jambes que font les hommes, mesmes qu’elles ne se couvrent ni de plumasseries ni d’autres choses qui croissent en leur terre : tant y a neantmoins que quoy que nous leur ayons plusieurs fois voulu bailler des robbes de frise et des chemises (comme j’ay dit que nous faisions aux hommes qui s’en habilloyent quelques fois), il n’a jamais esté en nostre puissance de les faire vestir : tellement qu’elles en estoyent là resolues (et croy qu’elles n’ont pas encor changé d’avis) de ne souffrir ni avoir sur elles chose quelle qu’elle soit. Vray est que pour pretexte de s’en exempter et demeurer tousjours nues, nous allegant leur coustume, qui est qu’à toutes les fontaines et rivieres claires qu’elles rencontrent, s’accroupissans sur le bord, ou se mettans dedans, elles jettent avec les deux nains de l’eau sur leur teste, et se lavent et plongent ainsi tout le corps comme cannes, tel jour sera plus de douze fois, elles disoyent que ce leur seroit trop de peine de se despouiller si souvent. Ne voila pas une belle et bien pertinente raison ? mais telle qu’elle est, si la faut-il recevoir, car d’en contester davantage contre elles, ce seroit en vain et n’en auriez autre chose. Et de faict, cest animal se delecte si fort en ceste nudité, que non