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Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 1, 1880.djvu/178

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de l’Inde Orientale le terroir est si bon, qu’au rapport de ceux qui l’ont veu, le froment, l’orge et le millet y passent quinze coudées de hauteur. Ce que dessus est en somme tout ce de quoy j’ay veu user ordinairement, pour toutes sortes de pains au pays des sauvages en la terre du Bresil dite Amerique.

Cependant les Espagnols et Portugais, à present habituez en plusieurs endroits de ces Indes Occidentales, ayans maintenant force bleds et force vins que ceste terre du Bresil leur produit, ont fait preuve que ce n’est pas pour le defaut du terroir que les sauvages n’en ont point. Comme aussi nous autres François, à nostre voyage y ayant porté des bleds en grain, et des seps de vignes, j’ay veu par l’experience, si les champs estoyent cultivez et labourez comme ils sont par-deça, que l’un et l’autre y viendroit bien. Et de faict, la vigne que nous plantasmes ayant tresbien reprins, et jetté de fort beau bois et de belles fueilles, faisoit grande demonstration de la bonté et fertilité du pays. Vray est que pour l’esgard du fruict, durant environ un an que nous fusmes là, elle ne produisit que des aigrets, lesquels encore au lieu de meurir s’endurcirent et demeurerent secs : mais comme j’ay sceu de n’agueres de certains bons vignerons, cela estant ordinaire que les nouveaux plants, és premieres et secondes années ne rapportent sinon des lambrusces et verins, dont on ne fait pas grand cas : j’ay opinion que si les François et autres qui demeurerent en ce pays-là apres nous, continuerent à façonner ceste vigne, qu’és ans suyvans ils en eurent de beaux et bons raisins.

Quant au froment et au seigle que nous y semasmes, voici le defaut qui y fut : c’est que combien qu’ils vinssent beaux en herbes, et mesme parvinssent jusques à