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Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 1, 1880.djvu/179

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l’espi, neantmoins le grain ne s’y forma point. Mais d’autant que l’orge y grena et vint à juste maturité, voire multiplia grandement, il est vray-semblable que ceste terre estant trop grasse pressoit et avançoit tellement le froment et le seigle (lesquels comme nous voyons par-deça avant que produire leurs fruicts, veulent demeurer plus long temps en terre que l’orge) qu’estans trop tost montez (comme ils furent incontinent), ils n’eurent pas le temps pour fleurir et former leurs grains. Partant au lieu que pour rendre les champs plus fertilles et meilleurs, en nostre France on les fume et engraisse : au contraire, j’ay opinion, pour faire que ceste terre neuve rapportast mieux le froment et semblables semences, qu’en la labourant souvent il la faudroit lasser et desgraisser par quelques années.

Et certes comme le pays de nos Toüoupinambaoults est capable de nourrir dix fois plus de peuple qu’il n’y en a, tellement que moy y estant me pouvois vanter d’avoir à mon commandement plus de mille arpens de terre, meilleurs qu’il n’y en ait en toute la Beausse : qui doute si les François y fussent demeurez (ce qu’ils eussent fait, et y en auroit maintenant plus de dix mille si Villegagnon ne se fust revolté de la Religion reformée), qu’ils n’en eussent receu et tiré le mesme proffit que font maintenant les Portugais qui y sont si bien accommodez ? Cela soit dit en passant, pour satisfaire à ceux qui voudroyent demander si le bled et le vin estans semez, cultivez et plantez en la terre du Bresil, n’y pourroyent pas bien venir.

Or en reprenant mon propos, à fin que je distingue mieux les matieres que j’ay entrepris de traiter, avant encores que je parle des chairs, poissons, fruicts et autres viandes du tout dissemblables de celles de nostre