Aller au contenu

Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 1, 1880.djvu/196

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que je dise autre chose de ceux de ceste terre du Bresil, que ce que j’en vien de toucher, le lecteur pourra de là aisément recueillir, qu’à cause de la temperature du pays (ou peut-estre pour autre raison que j’ignore) ils ne sont vilains, venimeux ni dangereux comme les nostres.

Ils mangent au semblable des serpens gros comme le bras, et longs d’une aune de Paris : et mesmes j’ay veu les sauvages en traîner et apporter (comme j’ay dit qu’ils font des crocodiles), d’une sorte de riollée de noir et de rouge, lesquels encor tous en vie ils jettoyent au milieu de leurs maisons parmi leurs femmes et enfans, qui au lieu d’en avoir peur les manioyent à pleines mains. Ils apprestent et font cuire par tronçons ces grosses anguilles terrestres mais pour en dire ce que j’en sçay, c’est une viande fort fade et douçastre.

Ce n’est pas qu’ils n’ayent d’autres sortes de serpens, et principalement dans les rivieres où il s’en trouve de longs et desliez, aussi verts que porrées, la piqueure desquels est fort venimeuse : mais aussi par le recit suyvant vous pourrez entendre qu’outre ces Toüous dont j’ay tantost parlé, il se trouve par les bois une espece d’autres gros lezards qui sont tres-dangereux.

Comme donc deux autres François et moy fismes un jour ceste faute de nous mettre en chemin pour visiter le pays, sans (selon la coustume) avoir des sauvages pour guides, nous estans esgarez par les bois, ainsi que nous allions le long d’une profonde vallée, entendans le bruit et le trac d’une beste qui venoit à nous, pensans que ce fust quelque sauvage, sans nous en soucier ni laisser d’aller, nous n’en fismes pas autre cas. Mais tout incontinent à dextre, et à environ trente pas de nous, voyant sur le costau un lezard