Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 1, 1880.djvu/46

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leur estant osté à la porte de la ville, il fut tellement esgaré, que, quelque diligence que je fisse, il ne me fut pas possible de le recouvrer. De façon que faisant estat de la perte de ce livre, ayant quelque temps apres retiré les brouillars que j’en avois laissé à celuy qui le m’avoit transcrit, je fis tant, qu’excepté le Colloque du langage des Sauvages, qu’on verra au vingtiesme chapitre, duquel moy ny autre n’avoit copie, j’avois derechef le tout mis au net. Mais quand je l’eus achevé, moy estant pour lors en la ville de la Charité sur Loire, les confusions survenantes en France sur ceux de la Religion, je fus contraint, à fin d’éviter ceste furie, de quitter à grand haste tous mes livres et papiers pour me sauver à Sancerre : tellement qu’incontinent apres mon depart, le tout estant pillé, ce second recueil Ameriquain estant ainsi esvanoui, je fus pour la seconde fois privé de mon labeur. Cependant comme je faisois un jour recit à un notable Seigneur de la premiere perte que j’en avois faite à Lyon, luy ayant nommé celuy auquel on m’avoit escrit qu’il avoit esté baillé, il en eut tel soin, que l’ayant finalement recouvré, ainsi que l’an passé 1576. je passois en sa maison, il me le rendit. Voila comme jusques à present ce que j’avois escrit de l’Amerique, m’estant tousjours eschappé des mains, n’avoit peu venir en lumiere.

Mais pour en dire le vray, il y avoit encores, qu’outre tout cela, ne sentant point en moy les parties requises pour mettre à bon escient la main à la plume, ayant veu dés la mesme année que je revins de ce pays-la, qui fut 1558. le livre intitulé Des singularitez de l’Amerique, lequel monsieur de la Porte suyvant les contes et memoires de frere André Thevet, avoit dressé et disposé, quoy que je n’ignorasse pas ce que Monsieur Fumée, en sa preface sur l’Histoire generale des