Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 1, 1880.djvu/60

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tous les autres à l’aune et à la reigle de S. François, duquel les freres mineurs, comme luy, fourrent tout dans leurs besaces, il a jetté à la traverse, que les predicans, comme il parle, estans arrivez en l’Amerique, ne taschans qu’à s’enrichir, en attrappoyent où ils en pouvoyent avoir ; puis toutesfois que cela (qui n’est non plus vray que les fables de l’Alcoran des cordeliers) est sciemment et de gayeté de coeur, comme on dit, attaquer l’escarmouche contre ceux qu’il n’a jamais veu en l’Amerique ni receu d’eux desplaisir ailleurs : estant du nombre des defendans, il faut qu’en luy rejettant les pierres qu’il nous a voulu ruer, en son jardin, je descouvre quelque peu de ses autres friperies.

Pour donc le combattre tousjours de son propre baston, que respondra-il sur ce qu’ayant premierement dit en mots expres en son livre des Singularitez qu’il ne demeura que trois jours au Cap de Frie, il a neantmoins depuis escrit en sa Cosmographie, qu’il y sejourna quelques mois. Au moins si au singulier il eust dit un mois, et puis là dessus faire accroire que les jours de ce pays-là durent un peu plus d’une sepmaine, il luy eust adjousté foy qui eust voulu : mais d’estendre le sejour de trois jours à quelques mois, sous correction, nous n’avons point encores apprins que les jours plus esgaux sous la zone Torride et pres des Tropiques qu’en nostre climat, se transmuent pour cela en mois.

Outre plus, pensant tousjours esblouyr les yeux de ceux qui lisent ses oeuvres, nonobstant que ci dessus par son propre tesmoignage j’aye monstré qu’il ne demeura en tout qu’environ dix sepmaines en l’Amerique : assavoir depuis le dixiesme de Novembre 1555. jusques au dernier de Janvier suyvant, durant lesquelles