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Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 1, 1880.djvu/61

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encores (comme j’ay entendu de ceux qui l’ont veu par delà) en attendant que les navires où il revint fussent chargées, il ne bougea gueres de l’isle inhabitable où se fortifia Villegagnon : si est-ce qu’à l’ouyr discourir au long et au large, vous diriez qu’il a non seulement veu, ouy et remarqué en propre personne toutes les coustumes et manieres de faire de ceste multitude de divers peuples sauvages habitans en ceste quarte partie du monde, mais qu’aussi il a arpenté toutes les contrées de l’Inde Occidentale : à quoy neantmoins, pour beaucoup de raisons, la vie de dix hommes ne suffiroit pas. Et de faict, combien qu’à cause des deserts et lieux inaccessibles, mesme pour la crainte des Margajas ennemis jurez de ceux de nostre nation, la terre desquels n’est pas fort esloignée de l’endroit où nous demeurions, il n’y ait Truchemen François, quoy qu’aucuns dés le temps que nous y estions, y eussent jà demeurez neuf ou dix ans, qui se voulust vanter d’avoir esté quarante lieues avant sur les terres (je ne parle point des navigations lointaines sur les rivages), tant y a que Thevet dit avoir esté soixante lieues et davantage avec des sauvages, cheminans jour et nuict dans des bois espais et toffus, sans avoir trouvé beste qui taschast à les offenser. Ce que je croy aussi fermement, quant à ce dernier point, assavoir qu’il ne fut pas lors en danger des bestes sauvages, comme je m’asseure que les espines ny les rochers ne luy esgratignerent gueres les mains ny le visage, ny gasterent les pieds en ce voyage.

Mais surtout qui ne s’esbahiroit de ce qu’ayant dit quelque part qu’il fut plus certain de ce qu’il a escrit de la maniere de vivre des Sauvages, apres qu’il eut apprins à parler leur langage, en fait neantmoins ailleurs si mauvaise preuve que Pa, qui en