Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 1, 1880.djvu/62

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ceste langue Bresilienne veut dire ouy, est par luy exposé, Et vous aussi ? De façon que comme je monstreray ailleurs, le bon et solide jugement que Thevet a eu en escrivant, qu’avant l’invention du feu en ce pays-là, il y avoit de la fumée pour seicher les viandes, aussi pour eschantillon de sa suffisance en l’intelligence du langage des sauvages, allegant ceci en cest endroit, je laisse à juger, si n’entendant pas cest adverbe affirmatif, qui n’est que d’une seule syllabe, il n’a pas aussi bonne grace de se vanter de l’avoir apprins : comme celuy lequel luy reproche, qu’apres avoir frequenté quelques mois parmi deux ou trois peuples, il a remasché ce qu’il y a apprins de mots obscurs et effroyables, aura matiere de rire quand il verra ce que je di icy. Partant, sans vous en enquerir plus avant, fiez-vous en Thevet de tout ce que confusément et sans ordre il vous gergonnera au vingtuniesme livre de sa Cosmographie de la langue des Ameriquains : et vous asseurez qu’en parlant de Maïr momen, et Mair pochi, il vous en baillera des plus vertes et plus cornues.

Que dirons-nous aussi de ce que s’escarmouchant si fort en sa Cosmographie contre ceux qui appellent ceste terre d’Amerique Inde Occidentale, à laquelle il veut que le nom de France Antarctique, qu’il dit luy avoir premierement imposé, demeure, combien qu’ailleurs il attribue ceste nomination à tous les François qui arriverent en ce payslà avec Villegagnon, l’a toutesfois luy mesure en plusieurs endroits nommée Inde Amérique ? Somme, quoy qu’il ne soit pas d’accord avec soy-mesme, tant y a qu’à voir les censures, refutations et corrections qu’il fait és ceuvres d’autruy, on diroit que tous ont esté nourris dans des bouteilles, et qu’il n’y a que le seul Thevet qui ait tout veu par le trou de son chaperon de Cordelier. Et m’asseure bien que si en lisant