Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 1, 1880.djvu/68

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des lecteurs : et n’a pas tenu à moy qu’il n’y en ait davantage, mais l’Imprimeur n’a voulu pour ceste fois fournir à tant de frais qu’il eust fallu faire pour la taille d’icelles.

Au reste, n’ignorant pas ce qui se dit communément assavoir que parce que les vieux et ceux qui ont esté loin, ne peuvent estre reprins, ils se licencient et donnent souvent congé de mentir : je diray là dessus en un mot, que tout ainsi que je hay la menterie et les menteurs, aussi s’il se trouve quelqu’un qui ne vueille adjouster foy à plusieurs choses, voirement estranges, qui se liront en ceste histoire, qu’il sache quel qu’il soit, que je ne suis pas pour cela deliberé de le mener sur les lieux pour les luy faire voir. Tellement que je ne m’en donneray non plus de peine que je fais de ce qu’on m’a dit qu’aucuns doutent de ce que j’ay escrit et fait imprimer par ci-devant du siege et de la famine de Sancerre : laquelle cependant (comme il sera veu) je puis asseurer n’avoir encores esté si aspre, bien plus longue toutesfois, que celle que nous endurasmes sur mer à nostre retour en France au voyage dont est question. Car si ceux dont je parle n’adjoustent foy à ce qui, au veu et sceu de plus de cinq cens personnes encores vivantes, a esté fait et pratiqué au milieu et au centre de ce royaume de France, comment croiront-ils ce qui non seulement ne se peut voir qu’à pres de deux mille lieues loin du pays où ils habitent, mais aussi choses si esmerveillables et non jamais cognues, moins escrites des Anciens, qu’à peine l’experience les peut-elle engraver en l’entendement de ceux qui les ont veuës ? Et de faict, je n’auray point honte de confesser ici, que depuis que j’ay esté en ce pays de l’Amerique, auquel, comme je deduiray, tout ce qui s’y voit, soit en la façon de vivre des habitans, forme des