Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 1, 1880.djvu/73

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ayant proposé que si Villegagnon faisoit ce voyage il pourroit descouvrir beaucoup de richesses et autres commoditez pour le profit du Royaume, il luy fit donner deux beaux navires equipez et fournis d’artillerie : et dix mille francs pour faire son voyage.

Ainsi Villegagnon avec cela avant que sortir de France, ayant fait promesse à quelques personnages d’honneur qui l’accompagnerent qu’il establiroit le pur service de Dieu au lieu où il resideroit, après qu’au reste il se fut pourveu de matelots et d’artisans qu’il mena avec luy, au mois de Mai audit an 1555. il s’embarqua sur mer, où il eut plusieurs tormentes et destourbiers, mais enfin, nonobstant toutes difficultez, en Novembre suyvant il parvint audit pays.

Arrivé qu’il y fut, il descendit, et se pensa premierement loger sur un rocher à l’embouscheure d’un bras de mer, et riviere d’eau salée, nommée par les sauvages Ganabara, laquelle (comme je la descriray en son lieu) demeure par les vingt-trois degrez au delà de l’Equateur : assavoir droit sous le Tropique de Capricorne : mais les ondes de la mer l’en chasserent. Ainsi estant contraint de se retirer de là, il s’avança environ une lieuë tirant sur les terres, et s’accommoda en une Isle auparavant inhabitable : en laquelle ayant deschargé son artillerie et ses autres meubles, à fin qu’il y fust en plus grande seurté, tant contre les sauvages, que contre les Portugais, qui voyagent, et ont jà tant de forteresses en ce pays-là, il fit commencer d’y bastir un fort.

Or de là, feignant tousjours de brusler de zele d’avancer le regne de Jesus Christ, et le persuadant tant qu’il pouvoit à ses gens : quand ses navires furent chargées et prestes de revenir en France, il escrivit et envoya dans l’une d’icelles expressément homme à Geneve,