Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/100

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

louange. Et ce qui est esmerveillable en ceste multitude de femmes, encores qu’il y en ait une tousjours mieux aimée du mari, tant y a neantmoins que pour cela les autres n’en seront point jalouses, ny n’en murmureront, au moins n’en monstreront aucun semblant : tellement que s’occupans toutes à faire le mesnage, tistre leurs licts de cotton, à aller aux jardins, et planter les racines, elles vivent ensemble en une paix la nompareille. Surquoy je laisse à considerer à chacun, quand mesme il ne seroit point defendu de Dieu de prendre plus d’une femme, s’il seroit possible que celles de par deçà s’accordassent de ceste façon. Plustost certes vaudroit-il mieux envoyer un homme aux galeres que de le mettre en un tel grabuge de noises et de riottes qu’il seroit indubitablement, tesmoin ce qui advint à Jacob pour avoir prins Lea et Rachel, combien qu’elles fussent sœurs. Mais comment pourroyent les nostres durer plusieurs ensemble, veu que bien souvent celle seule ordonnée de Dieu à l’homme pour luy estre en aide et pour le resjouir, au lieu de cela, luy est comme un diable familier en sa maison ? Quoy disant, tant s’en faut que je pretende en façon que ce soit taxer celles qui font autrement : c’est à dire, qui rendent l’honneur et obeissance que de tout droit elles doivent à leurs maris : qu’au contraire, faisant ainsi leur devoir, s’honorans elles mesmes les premieres, je les estime dignes d’autant de louanges, que je repute les autres justement meriter tous blasmes.

Pour doncques retourner au mariage de nos Ameriquains, l’adultere du costé des femmes leur est en tel horreur, que sans qu’ils ayent autre loy que celle de nature, si quelqu’une mariée s’abandonne à autre qu’à son mary, il a puissance de la tuer, ou pour le moins