Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/103

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

indifferemment tels noms de choses qui leur sont cognues : comme Sarigoy, qui est un animal à quatre pieds : Arignan, une poule : Arabouten, l’arbre du Bresil : Pindo, une grande herbe, et autres semblables.

Pour l’esgard de la nourriture, ce sera quelques farines maschées, et autres viandes bien tendres, avec le laict de la mere : laquelle au surplus ne demeurant ordinairement qu’un jour ou deux en la couche, prenant puis apres son petit enfant pendu à son col, dans une escharpe de cotton faite expres pour cela, s’en ira au jardin ou à quelques autres affaires. Ce que je di sans desroger à la coustume des dames de par deçà, lesquelles, à cause du mauvais air du pays, outre qu’elles demeurent le plus souvent quinze jours ou trois sepmaines dans le lict, encores pour la pluspart sont si delicattes, que sans avoir aucun mal qui les peust empescher de nourrir leurs enfans, comme les femmes Ameriquaines font les leurs, elles leur sont si inhumaines que aussi tost qu’elles en sont delivrées, ou elles les envoyent si loin, que s’ils ne meurent sans qu’elles en sachent rien, pour le moins faut-il qu’ils soyent jà grandets, à fin de leur donner du passetemps, avant qu’elles les vueillent souffrir aupres d’elles. Que s’il y en a quelques succrées qui pensent que je leur face tort de les comparer à ces femmes sauvages, desquelles, diront-elles, la façon ruralle n’a rien de commun avec leurs corps si tendres et delicats : je suis content pour adoucir ceste amertume, de les renvoyer à l’escolle des bestes brutes, lesquelles, jusques aux petits oiselets, leur apprendront ceste leçon, que c’est à chacune espece d’avoir soin, voire prendre peine elle mesme d’eslever son engence. Mais à fin de couper broche à toutes les repliques qu’elles pourroyent faire là dessus, seront elles plus douillettes que ne fut jadis