Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/104

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une Royne de France, laquelle (comme on lict és histoires) poussée d’affection vrayement maternelle, ayant sceu que son enfant avoit tetté une autre femme, en fut si jalouse, qu’elle ne cessa jamais jusques à ce qu’elle luy eust fait vosmir le laict qu’il avoit prins d’ailleurs que des mammelles de sa propre mere ?

Or retournant à mon propos, quoy qu’on estime communément par deçà, que si les enfans, en leurs tendreurs et premieres jeunesses, n’estoyent bien serrez et emmaillottez, ils seroyent contrefaits, et auroyent les jambes courbées : je di qu’encores que cela ne soit nullement observé à l’endroit de ceux des Ameriquains (lesquels comme j’ay jà touché dés leur naissance sont tenus et couchez sans estre enveloppez) que neantmoins il n’est pas possible de voir enfans cheminer ny aller plus droit qu’ils font. Surquoy toutesfois concedant bien que l’air doux, et bonne temperature de ce pays-là en est cause en partie, j’accorde qu’il est bon en hyver de tenir les enfans par deçà enveloppez, couverts et bien serrez dans les berceaux, parce que autrement ils ne pourroyent resister au froit : mais en esté, voire és saisons temperées, principalement quand il ne gele point, il me semble (sous correction toutesfois) par l’experience que j’en ay veuë, qu’il vaudroit mieux laisser au large les petits enfans gambader tout à leur aise parmi quelque façon de licts qu’on pourroit faire, dont ils ne sauroyent tomber, que de les tenir tant de court. Et de fait, j’ay opinion que cela nuit beaucoup à ces pauvres petites et tendres creatures, d’estre ainsi, durant les grandes chaleurs eschauffées, et comme à demie cuites, dans ces maillots où on les tient comme en la gehenne.

Toutesfois, à fin qu’on ne dise pas que je me mesle de trop de choses, laissant aux peres, meres et nour-