Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/106

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(n’ayans entre eux colleges ny autre moyen d’apprendre les sciences honnestes, moins en particulier les arts liberaux) que comme vray successeurs de Lamech, de Nimrod et d’Esau qu’ils sont, leur mestier ordinaire tant grands que petits est d’estre non seulement chasseurs et guerriers, mais aussi tueurs et mangeurs d’hommes.

Au surplus, poursuivant à parler du mariage des Toüoupinambaoults, autant que la vergongne le pourra porter, j’afferme contre ce qu’aucuns ont imaginé que les hommes d’entre eux, gardans l’honnesteté de nature, n’ayans jamais publiquement la compagnie de leurs femmes, sont en cela non seulement à preferer à ce vilain Philosophe Cinique, qui trouvé sur le fait, au lieu d’avoir honte dit qu’il plantoit un homme : mais qu’aussi ces boucs puans qu’on voit de nostre temps par-deçà, ne se sont point cachez pour commettre leurs vilenies, sont sans comparaison plus infames qu’eux. Il y a davantage, qu’en l’espace d’environ un an que nous demeurasmes en ce pays-là, frequentans ordinairement parmi eux, nous n’avons jamais veu les femmes avoir leurs ordes fleurs. Vray est que j’ay opinion qu’elles les divertissent, et ont une autre façon de se purger que n’ont celles de par-deçà : car j’ay veu des jeunes filles, en l’aage de douze à quatorze ans, lesquelles les meres ou parentes faisans tenir toutes debout, les pieds joints sur une pierre de gray, leur incisoyent jusques au sang, avec une dent d’animal trenchante comme un cousteau, depuis le dessous de l’aisselle, tout le long de l’un des costez et de la cuisse, jusques au genouil : tellement que ces filles avec grandes douleurs en grinçant les dents saignoyent ainsi une espace de temps : et pense, comme j’ay dit, que dés le commencement elles usent de ce