Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/119

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lequel aussi de sa part, comme vous voyez en la figure, s’occupant à faire une flesche ou autre chose, aura esté un quart d’heure sans faire semblant de vous voir (caresse fort contraire à nos embrassemens, accollades, baisemens et touchemens à la main à l’arrivée de nos amis) venant lors à vous, usera premierement de ceste façon de parler, Eré-ioubé ? c’est à dire, Es-tu venu ? puis, Comment te portes-tu ? que demandes-tu ? etc. à quoy il faut respondre selon que verrez cy apres au colloque de leur langage. Cela fait, il vous demandera si vous voulez manger : que si vous respondez qu’ouy, il vous fera soudain apprester et apporter dans de belle vaisselle de terre, tant de la farine qu’ils mangent au lieu de pain, que des venaisons, volailles, poissons, et autres viandes qu’il aura : mais parce qu’ils n’ont tables, bancs, ny scabelles, le service se fera à belle terre devant vos pieds : quant au bruvage, si vous voulez du caouin, et qu’il en ait de fait, il vous en baillera aussi. Semblablement apres que les femmes ont pleuré aupres du passant, à fin d’avoir de luy des peignes, mirouers, ou petites patenostres de verre qu’on leur porte pour mettre à l’entour de leur bras, elles luy apporteront des fruicts, ou autre petit present des choses de leur pays.

Que si au surplus on veut coucher au village où on est arrivé, le vieillard non seulement fera tendre un beau lict blanc, mais encores outre cela (combien qu’il ne face pas froit en leur pays) à cause de l’humidité de la nuict, et à leur mode il fera faire trois ou quatre petits feus à l’entour du lict, lesquels seront souvent r’alumez la nuict, avec certains petits ventaux qu’ils appellent Tatapecoua, faits de la façon des contenances que les dames de par-deçà tiennent devant elles au pres du feu, de peur qu’il ne leur gaste la face.