Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/125

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de boutons de verre aux femmes : et des hameçons à pescher aux petits garçons.

Surquoy aussi, à fin de mieux faire entendre combien ils font cas de ces choses, je reciteray, que moy estant un jour en un village, mon Moussacat, c’est à dire, celuy qui m’avoit receu chez soy, m’ayant prié de luy monstrer tout ce que j’avois dans mon Caramemo, c’est à dire, dans mon sac de cuir : apres qu’il m’eut fait apporter une belle grande vaisselle de terre, dans laquelle j’arrengeay tout mon cas : luy, s’esmerveillant de voir cela, appelant soudain tous les autres sauvages, il leur dit : Je vous prie, mes amis, considerez un peu quel personnage j’ay en ma maison : car, puisqu’il a tant de richesses, ne faut-il pas bien dire qu’il soit grand seigneur ? Et cependant, comme je dis en riant contre un mien compagnon qui estoit là avec moy, tout ce que ce sauvage estimoit tant, qui estoit en somme cinq ou six cousteaux emmanchez de diverses façons, autant de peignes, deux ou trois grands mirouers, et autres petites besongnes, n’eust pas vallu deux testons dans Paris. Parquoy suyvant ce que j’ay dit ailleurs, qu’ils ayment sur tout ceux qui sont liberaux, me voulant encores moy mesme plus exalter qu’il n’avoit fait, je luy baillay publiquement et gratuitement devant tous, le plus grand et le plus beau de mes cousteaux : duquel de fait il fit autant de conte, que feroit quelqu’un en nostre France, auquel on auroit fait present d’une chaine d’or, de la valeur de cent escus.

Que si vous demandez maintenant plus outre, sur la frequentation des sauvages de l’Amerique, desquels je traite à present : assavoir, si nous nous tenions bien asseurez parmi eux, je respon, que tout ainsi qu’ils haissent si mortellement leurs ennemis, que comme