Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/127

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fait difficulté de faire (parce que nous avions souvent ainsi tué des poulles en d’autres villages, dequoy les sauvages, en les contentans de quelques cousteaux, ne s’estoyent point faschez) apres que j’eu ceste cane morte en ma main, je m’en allay en une maison, où presques tous les sauvages de ce lieu estoyent assemblez pour caouiner. Ainsi ayant là demandé à qui estoit la cane, à fin que je la luy payasse, il y eut un vieillard, lequel, avec une assez mauvaise trongne, se presentant, me dit, C’est à moy. Que veus-tu que je t’en donne, luy di-je ? Un cousteau, respondit-il : auquel sur le champ en ayant voulu bailler un, quand il l’eut veu, il dit, J’en veux un plus beau : ce que sans repliquer luy ayant presenté, il dit qu’il ne vouloit point encore de cestuy-là. Que veux-tu donc, luy di-je, que je te donne ? Une serpe, dit-il. Mais parce qu’outre que cela estoit un pris du tout excessif en ce pays-là, de donner une serpe pour une canne, encores n’en avois-je point pour lors, je luy dis qu’il se contentast s’il vouloit du second cousteau que je luy presentois, et qu’il n’en auroit autre chose. Mais là dessus le Truchement, qui cognoissoit mieux leur façon de faire (combien qu’en ce faict, comme je diray, il fust aussi bien trompé que moy) me dit, Il est bien fasché, et quoy que c’en soit, il luy faut trouver une serpe. Parquoy en ayant emprunté une du garçon duquel j’ay parlé, quand je la voulu bailler à ce sauvage, il en fit derechef plus de refus qu’il n’avoit fait auparavant des cousteaux : de façon que me faschant de cela, pour la troisiesme fois je luy dis : Que veux tu donc de moy ? A quoy furieusement il repliqua, qu’il me vouloit tuer comme j’avois tué sa cane : car, dit-il, Parce qu’elle a esté à un mien frere qui est mort, je l’aimois plus que toute autre chose que j’eusse en ma