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Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/22

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pays-là sont bien appris à dire aux estrangers qui vont par delà : De agatorem, amabe pinda : c’est à dire, Tu es bon, donne moy des haims : car Agatorem en leur langage veut dire bon : Amabe, donne moy : et Pinda est un hameçon. Que si on ne leur en baille, la canaille de despit tournant soudain la teste, ne faudra pas de dire, De engaipa-aiouca : c’est à dire : Tu ne vaux rien, il te faut tuer.

Sur lequel propos je diray que si on veut estre cousin (comme nous parlons communément) tant des grands que des petits, il ne leur faut rien refuser. Vray est qu’ils ne sont point ingrats : car principalement les vieillards, lors mesme que vous n’y penserez pas, se ressouvenans du don qu’ils auront receu de vous, en le recognoissant ils vous donneront quelque chose en recompense. Mais quoy qu’il en soit j’ay observé entr’eux, que comme ils ayment les hommes gais, joyeux, et liberaux, par le contraire ils haissent tellement les taciturnes, chiches et melancholiques, que je puis asseurer les limes sourdes, songe-creux, taquins, et ceux qui, comme on dit, mangent leur pain en leur sac, qu’ils ne seront pas les bien venus parmi nos Toüoupinambaoults : car de leur naturel ils detestent telle maniere de gens.

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