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Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/21

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et seulement large d’environ deux pieds, outre qu’ils ne sçauroyent endurer la tormente, encores ne peut-il sur chacun d’iceux tenir qu’un seul homme à la fois : de façon que quand nos sauvages en beau temps sont ainsi nuds, et un à un separez en peschans sur la mer, vous diriez, les voyans de loing, que ce sont singes, ou plustost (tant paroissent-ils petits) grenouilles au soleil sur des busches de bois au milieu des eaux. Toutesfois parce que ces radeaux de bois, arrengez comme tuyaux d’orgues, sont non seulement tantost fabriquez de ceste façon, mais qu’aussi flottans sur l’eau, comme une grosse claye, ils ne peuvent aller au fond, j’ay opinion, si on en faisoit par deçà, que ce seroit un bon et seur moyen pour passer tant les rivieres que les estangs et lacs d’eaux dormantes, ou coulantes doucement : aupres desquelles, quand on est hasté d’aller, on se trouve quelquesfois bien empesché.

Or au surplus de tout ce que dessus, quand nos sauvages nous voyoyent pescher avec les rets que nous avions portées, lesquelles eux nomment puissa-ouassou, ils ne prenoyent pas seulement grand plaisir de nous aider, et de nous veoir amener tant de poissons d’un seul coup de filet, mais aussi si nous les laissions faire, eux seuls en sçavoyent jà bien pescher. Comme aussi depuis que les François trafiquent par delà, outre les commoditez que les Bresiliens reçoivent de la marchandise qu’ils leur portent, ils les louent grandement de ce que le temps passé, estans contrains (comme j’ay dit) au lieu d’hameçons de mettre des espines au bout de leurs lignes, ils ont maintenant par leur moyen ceste gentille invention de ces petits crochets de fer, qu’on trouve si propres à faire ce mestier de pescherie. Aussi, comme j’ay dit ailleurs, les petits garçons de ce