Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/24

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avoit plus de huict brassées de tour, et celuy de l’autre plus de seize : tellement, dit-il, que comme sur le premier, qui estoit aussi haut qu’on n’eust sceu jetter une pierre à plein bras par dessus, un Cacique, pour sa seureté avoit basti sa logette (dequoy les Espagnols qui le virent là niché comme une cigongne, s’en prindrent bien fort à rire) aussi faisoyent-ils recit du dernier, comme de chose merveilleuse. Racontant encor le mesme auteur, qu’il y a au pays de Nicaragua, un arbre qu’on appelle Cerba, lequel grossit si fort que quinze hommes ne le sçauroyent embrasser. Pour retourner à nostre Bresil, il a la fueille comme celle du buis, toutesfois de couleur tirant plus sur le vert gays, et ne porte cest arbre aucun fruict.

Mais touchant la maniere d’en charger les navires, de quoy je veux faire mention en ce lieu, notez que tant à cause de la dureté, et par consequent de la difficulté qu’il y a de couper ce bois, que parce que n’y ayant chevaux, asnes, ni autres bestes pour porter, charrier ou traisner les fardeaux en ce pays-là, il faut necessairement que ce soyent les hommes qui facent ce mestier : et n’estoit que les estrangers qui voyagent par-delà sont aidez des sauvages, ils ne sçauroyent charger un moyen navire en un an.

Les sauvages doncques, moyennant quelques robbes de frize, chemises de toile, chapeaux, cousteaux et autres marchandises qu’on leur baille, non seulement avec les coignées, coings de fer, et autres ferremens que les François et autres de par-deçà leur donnent, coupent, scient, fendent, mettent par quartiers et arrondissent ce bois de Bresil, mais aussi le portent sur leurs espaules toutes nues, voire le plus souvent d’une ou deux lieues loin, par des montagnes et lieux assez fascheux, jusques sur le bord de la