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Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/25

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mer pres des vaisseaux qui sont à l’anchre, où les mariniers le reçoyvent. Je di expressément que les sauvages, depuis que les François et Portugais frequentent en leur pays, coupent leur bois de Bresil : car auparavant ainsi que j’ay entendu des vieillards, ils n’avoyent presque aucune industrie d’abbatre un arbre, sinon mettre le feu au pied. Et d’autant aussi qu’il y a des personnages par-deçà qui pensent que les busches rondes qu’on void chez les marchans soyent la grosseur des arbres, pour monstrer, di-je, que tels s’abusent, outre que j’ay jà dit qu’il s’en trouve de fort gros, j’ay encor adjousté que les sauvages, à fin qu’il leur soit plus aisé à porter et à manier dans les navires, l’arrondissent et accoustrent de ceste façon.

Au surplus, parce que durant le temps que nous avons esté en ce pays-là, nous avons fait de beaux feux de ce bois de Bresil, j’ay observé que n’estant point humide (comme la pluspart des autres bois) ains comme naturellement sec, aussi en bruslant ne jette-il que bien peu et presque point du tout de fumée.

Je diray davantage, qu’ainsi qu’un de nostre compagnie se voulut un jour mesler de blanchir nos chemises, ayant (sans se douter de rien) mis des cendres de Bresil dans sa lescive : au lieu de les faire blanches, il les fit si rouges que quoy que on les sceust laver et savonner apres, il n’y eut ordre de leur faire perdre ceste teinture, tellement qu’il nous les fallut vestir et user de ceste façon. Que si ceux qui envoyent expres en Flandres faire blanchir leurs chemises, ou autres de ces tant bien godronnez de par-deçà, ne m’en veulent croire, il leur est non seulement permis d’en faire l’experience, mais aussi pour avoir plustost fait, et pour tant mieux lustrer leurs grandes fraises (ou pour mieux dire bavieres de plus de demi pied de