Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/32

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Il y a au surplus, en ce pays-là, un arbre qui croist haut eslevé, comme les cormiers par-deçà, et porte un fruict nommé Acajou par les sauvages, lequel est de la grosseur et figure d’un oeuf de poule. Mais au reste quand ce fruict est venu à maturité, estant plus jaune qu’un coing, il est non seulement bon à manger, mais aussi ayant un jus un peu aigret, et neantmoins agreable à la bouche : quand on a chaut ceste liqueur refraischit si plaisamment qu’il n’est possible de plus : toutesfois estant assez mal aisé à abbattre de dessus ces grands arbres, nous n’en pouvions gueres avoir autrement, sinon que les Guenons montans dessus pour en manger, nous les faisoyent tomber en grande quantité.

Pacoaire est un arbrisseau croissant communément de dix ou douze pieds de haut : mais quant à sa tige combien qu’il s’en trouve qui l’ont presque aussi grosse que la cuisse d’un homme, tant y a qu’elle est si tendre qu’avec une espée bien trenchante vous en abbatrez et mettrez un par terre d’un seul coup.

Quant à son fruict que les sauvages nomment Paco, il est long de plus de demi-pied, et de forme assez ressemblant à un concombre, et ainsi jaune quand il est meur : toutesfois croissans tousjours vingt ou vingt-cinq serrez tous ensemble en une seule branche, nos Ameriquains les cueillanc par gros floquets tant qu’ils peuvent soustenir d’une main, les emportent en ceste sorte en leurs maisons.

Touchant la bonté de ce fruict, quand il est venu à sa juste maturité, et que la peau laquelle se leve comme celle d’une figue fraische, en est ostée, un peu semblablement grumeleux qu’il est, vous diriez aussi en le mangeant que c’est une figue. Et de faict, à cause de cela nous autres François nommions ces Pacos figues : vray est qu’ayans encores le goust plus doux