Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/36

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despouillez et desgarnis de leurs fueilles, mais aussi tout le long de l’année les forests sont aussi verdoyantes qu’est le laurier en nostre France. Aussi, puis que je suis sur ce propos, quant au mois de Decembre nous avons ici non seulement les plus courts jours, mais qu’aussi transissans de froid nous soufflons en nos doigts, et avons les glaçons pendans au nez : c’est lors que nos Ameriquains ayans les leurs plus longs, ont si grand chaut en leur pays, que comme mes compagnons du voyage et moy l’avons experimenté, nous nous y baignions à Noel pour nous refraischir. Toutesfois, comme ceux qui entendent la Sphere peuvent comprendre, les jours n’estans jamais si longs ne si courts sous les Tropiques que nous les avons en nostre climat, ceux qui y habitent les ont non seulement plus esgaux, mais aussi (quoy que les anciens ayent autrement estimé) les saisons y sont beaucoup et sans comparaison plus temperées. C’est ce que j’avois à dire sur le propos des arbres de la terre du Bresil.

Quant aux plantes et herbes, dont je veux aussi faire mention, je commenceray par celles lesquelles, à cause de leurs fruict et effects, me semblent plus excellentes. Premierement la plante qui produit le fruict nommé par les sauvages Ananas, est de figure semblable aux glaieuls, et encores ayant les fueilles un peu courbées et cavelées tout à l’entour, plus approchantes de celles d’aloes. Elle croist aussi non seulement emmoncelée comme un grand chardon, mais aussi son fruict, qui est de la grosseur d’un moyen melon, et de façon comme une pomme de pin, sans pendre ni pancher de costé ni d’autre, vient de la propre sorte de nos artichaux.

Et au reste quand ces ananas sont venus à maturité, estans de couleur jaune azuré, ils ont une telle odeur