Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/35

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ainsi corrompues les laissans puis apres tremper quelque temps dans de l’eau, elle s’aigrissoit de telle façon qu’elle nous servoit de vinaigre.

Semblablement, il y a certains endroits par les bois où il croist force roseaux et cannes, aussi grosses que la jambe d’un homme, mais comme j’ay dit du Paco-aire, bien que sur le pied elles soyent si tendres que d’un seul coup d’espée on en puisse aisément abbatre une ; si est-ce qu’estans seiches elles sont si dures que les sauvages les fendans par quartiers, et les accommodans en maniere de lancettes ou langues de serpent, en arment et garnissent si bien leurs flesches par le bout, que d’icelles par eux roidement descochées, ils en arresteront une beste sauvage du premier coup. Et à propos des cannes et roseaux, Calcondile en son histoire de la guerre des Turcs, recite qu’il s’en trouve en l’Inde Orientale qui sont de si excessive grandeur et grosseur qu’on en fait des nacelles pour passer les rivieres : voire, dit-il, des barques toutes entieres qui tiennent bien chacune quarante mines de bled, chacune mine de six boisseaux selon la mesure des Grecs.

Le Mastic vient aussi par petits buissons, en nostre terre d’Amerique : lequel avec une infinité d’autres herbes et fleurs odoriferantes, rend la terre de tres bonne et souefve senteur.

Finalement parce qu’à l’endroit où nous estions, assavoir sous le Capricorne, bien qu’il y ait de grands tonnerres, que les sauvages nomment Toupan, pluyes vehementes, et de grands vents, tant y a neantmoins que n’y gelant, neigeant ni greslant jamais, et par consequent les arbres n’y estans point assaillis ni gastez du froid et des orages (comme sont les nostres par-deçà) vous les verrez tousjours, non seulement sans estre